Une classe de cours de français de l’AIEM (Courtoisie)

COURS DE FRANCISATION : LE RÔLE DES ORGANISMES COMMUNAUTAIRES

Alors que les demandes pour des cours de francisation explosent, les récentes coupes budgétaires du ministère de l’Éducation (MEQ) dans les centres de services scolaires (CSS) réduisent drastiquement l’offre. Une situation qui appelle à la réflexion sur les mécanismes de cette formation linguistique essentielle pour les nouveaux arrivants sur le sol québécois.

Le gouvernement du Québec offre des cours de français gratuits à toutes les personnes de 16 ans et plus domiciliées dans la province. Ces cours de francisation peuvent être dispensés par les CSS ou par des organismes communautaires de francisation. Le Regroupement des organismes en francisation du Québec (ROFQ) en compte une cinquantaine, ces derniers délivrant des leçons de français à travers le Québec. 

La position des organismes communautaires de francisation 

Ces dernières semaines, certains CSS ont été contraints de réduire considérablement leur offre de cours à la suite des réductions budgétaires du MEQ. « Au niveau communautaire, c’est une chose qui n’existe pas, dans la mesure où nos locaux sont disponibles. Nous pouvons ainsi offrir les cours nécessaires. Cependant, est-ce que le MEQ délivre un nombre d’enseignants suffisant? Ça, c’est autre chose… », laisse entendre Carlos Carmona, coordinateur du ROFQ et ancien enseignant de francisation du MEQ.

À l’instar des centres de services scolaires, les organismes communautaires rencontrent également une demande en constante croissance depuis plusieurs années. Le ROFQ comptait 433 groupes de cours de francisation durant sa session d’été 2022, 598 groupes à l’été 2023 et 802 groupes à l’été 2024. Et tous les cours sont actuellement complets. « Ils atteignent tous leur pleine capacité aujourd’hui », confirme Carlos Carmona. 

Carlos Carmona en train d’animer un atelier de travail lors d’une activité du ROFQ (Courtoisie)

Le rôle du ROFQ est de faire le lien entre ces organismes et le fournisseur de services, le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI). Avant, les futurs élèves pouvaient venir directement dans les locaux des organismes pour s’inscrire aux cours de francisation. Mais depuis le 1er juin 2023, date d’entrée en vigueur de la loi 14, officiellement intitulée « Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français », Francisation Québec est devenu le guichet unique pour les inscriptions aux cours de francisation.

Néanmoins, une personne peut s’adresser à un organisme faisant partie du ROFQ afin qu’il l’accompagne lors de sa demande d’admission, qui se fait désormais exclusivement en ligne. Une fois que la demande est envoyée, le MEQ assigne ensuite l’élève à un établissement et à un enseignant. « On a eu des plaintes de personnes qui ont été envoyées dans des établissements qui se situent très loin de leur lieu d’habitation. Je n’ai pas en ma possession les raisons qui expliquent cette problématique », confie le coordinateur du ROFQ. 

Il ajoute : « Il existe une volonté gouvernementale que toute personne installée sur le territoire du Québec, peu importe son statut, qu’il soit étudiant, travailleur temporaire, résident permanent ou autre, parle français. Maintenant, est-ce que le gouvernement a les moyens de le faire? » 

Un pilier de l’apprentissage du français dans l’est de Montréal

En matière de cours de français dans l’est de Montréal, l’Accueil aux immigrants de l’est de Montréal (AIEM), situé à Saint-Léonard et membre du ROFQ, figure comme un acteur majeur, et ce, aux côtés des organismes Carrefour Solidarité Anjou et Le Phare à Rivière-des-Prairies. 

Roberto Labarca, directeur général de l’AIEM (Courtoisie)

L’organisme compte 31 enseignants (NDLR: la demande d’EST MÉDIA Montréal pour une entrevue avec l’un d’entre eux est restée sans réponse), 14 salles de cours et 3 niveaux différents (débutant, intermédiaire et avancé). « Nous avons entre 18 et 20 élèves en moyenne par classe, tout au long de l’année », renseigne Roberto Labarca, directeur général de l’AIEM. 

Tout comme les autres organismes, l’AIEM a remarqué une augmentation grandissante de ses élèves. Preuve étant, d’avril 2022 à mars 2023, l’AIEM proposait 93 cours à temps partiel. Face à la demande grandissante, l’organisme a ouvert plus de classes. D’avril 2023 à mars 2024, l’AIEM a proposé 165 cours à temps partiel, selon ses dernières statistiques.

Pour Roberto Labarca, la raison principale de cette augmentation est le marché du travail. « Avant, les élèves venaient pour perfectionner leur français. Aujourd’hui, ils savent que maîtriser la langue est indispensable pour trouver un travail dans la province », explique-t-il.

La grande majorité des élèves sont hispanophones et une partie d’entre eux est d’origine maghrébine ou haïtienne. 40 % des élèves sont des demandeurs d’asile, 25 % sont des travailleurs temporaires et des étudiants étrangers, un autre 25 % représente des résidents permanents et 10 % sont des conjoints de fait, selon les dernières statistiques publiées en 2024 par l’AIEM.

Implanté à Saint-Léonard, l’organisme est situé dans un arrondissement montréalais caractérisé par une forte immigration. « Bien que l’immigration italienne soit importante ici et que cette langue y soit très présente, les gens ont aujourd’hui compris que maîtriser le français représente une nécessité pour vivre au Québec », conclut Roberto Labarca.

Deux élèves en cours de francisation à l’AIEM (Courtoisie)


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