David Dorez, membre cofondateur et brasseur en chef de la Chope Angus, située à Rosemont (Courtoisie Silviane Robini/Chope Angus)

LES COOPÉRATIVES BRASSICOLES : UN MODÈLE SOLIDE ET SOLIDAIRE

Dans l’industrie québécoise de la microbrasserie, les coopératives brassicoles se démarquent par leur approche unique, alliant savoir-faire artisanal et engagement communautaire. La Chope Angus, installée dans Rosemont, a choisi ce modèle d’affaires coopératif aux nombreux avantages.

La brasserie artisanale, qui a fêté son 2e anniversaire le 15 juin dernier, a entre autres opté pour la coopérative afin de créer « une entreprise à taille humaine », qui serait aussi implantée solidement dans son quartier. « On voulait être capable de se perpétuer même en cas de départ de certains membres », explique David Dorez, membre cofondateur et brasseur en chef. 

Cinq modèles de coopératives peuvent être envisagés, et la Chope Angus a choisi celui de la solidarité, ce qui signifie que ses membres peuvent être à la fois consommateurs, employés, fournisseurs et conseillers externes. La brasserie s’est enregistrée en tant qu’entreprise à but lucratif. « L’utilisation de nos surplus est déterminée par le conseil d’administration. Ils peuvent être distribués aux membres sous forme de ristournes, investis dans l’augmentation des salaires, alloués à des projets spécifiques dans le quartier ou mis de côté dans une réserve pour assurer la pérennité de l’entreprise », précise David Dorez. 

S’investir dans sa communauté 

Anne-Claude Thivierge, chargée de projets et représentante pour Table des Microbrasseries COOP (Courtoisie)

Une coopérative de solidarité a aussi pour mandat de participer à la vie de son quartier, entre autres en répondant aux besoins de ses membres. « Souvent, il peut arriver que certaines microbrasseries brassent des bières caritatives, dont une partie des bénéfices des ventes est reversée à des organismes locaux », explique Anne-Claude Thivierge, chargée de projets et représentante pour la Table des microbrasseries COOP. Parmi la quinzaine de microbrasseries coopératives du Québec, 9 sont membres de cette association.

« La microbrasserie coopérative À la Fût, qui fait partie de notre table, a contribué à l’installation de la reconstitution d’un village western, animé par des comédiens toutes les fins de semaine », illustre Anne-Claude Thivierge. Cette microbrasserie située à Saint-Tite, en Mauricie, a contribué financièrement au projet en louant les services d’un organisme externe pour s’occuper de l’événement, mais aussi en offrant son espace. 

Une industrie fragile, un modèle pérenne

L’industrie brassicole vit une période très difficile à l’heure actuelle, selon Anne-Claude Thivierge. « Tout a commencé depuis la COVID-19 avec une augmentation du coût des matières premières, puis du coût de transport. Sachant que les consommateurs vivent une crise actuellement et boivent moins, les détaillants commandent moins de bières, [et les gestionnaires de microbrasseries vivent] en parallèle une augmentation de loyer », explique-t-elle. Certaines entreprises n’ont pas eu d’autres choix que de mettre la clé sous la porte, comme la coopérative brassicole MaBrasserie en novembre 2023, qui a depuis été rachetée par des gens d’affaires et brasseurs. 

Malgré tout, le modèle coopératif semble disposer d’une formule qui augmente ses chances de perdurer dans le temps. Pour preuve, des recherches récentes ont confirmé que le taux de survie des coopératives québécoises est nettement supérieur à celui des entreprises québécoises. En effet, « 63,9 % des coopératives survivent après cinq ans, comparativement à 35 % des entreprises québécoises », d’après la plus récente étude réalisée en 2022 par le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité sur le taux de survie des coopératives.

La terrasse de la Chope Angus durant la saison estivale (Courtoisie Silviane Robini/Chope Angus)

Selon Anne-Claude Thivierge, le modèle coopératif permet aussi d’affronter différemment les enjeux qui se présentent, entre autres car la prise de décision est plus « horizontale ». « Il est plus facile de trouver des solutions à des demandes de réduction d’heures de travail ou d’augmentation de salaire par exemple, lorsqu’on fait partie de la solution. La charge mentale est également moins importante puisqu’on partage les défis et qu’on est redevable envers aucun actionnaire. »

Étant donné que les membres travailleurs sont souvent également propriétaires, leur investissement personnel façonne leur manière de travailler. « Lorsqu’un membre propriétaire brasse sa propre bière, le sentiment d’appartenance et de fierté est particulièrement grand », conclut la représentante pour Table des Microbrasseries COOP.


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