(Image tirée de la page Facebook de la boutique Bric à Brac)

CONGÉ TEMPORAIRE DE TPS : QU’EN PENSENT LES COMMERÇANTS?

Du 14 décembre au 15 février prochains, les contribuables canadiens auront tous droit à un congé de taxe sur les produits et services (TPS). Cette mesure, qui concerne uniquement certains produits et services tels que les jouets, les jeux vidéo et consoles, les friandises, les vêtements, les repas au restaurant, ainsi que le vin et la bière, vise à alléger le portefeuille des Canadiens pendant la période des Fêtes. Mais qu’en pensent les commerçants qui doivent quant à eux gérer son application?

La mesure adoptée par le gouvernement Trudeau divise non seulement les différents partis réunis à Ottawa, mais également les citoyens et les commerçants. À la Société de développement commercial (SDC) Hochelaga, la disposition laisse aussi l’équipe mi-figue mi-raisin. « Je suis mitigé entre le fait que oui, c’est une bonne idée, ça donnera un petit congé à la population qui achètera juste avant Noël. Tout le monde a besoin d’un lousse à ce niveau. Sauf que pour la majorité des petits commerçants, ça implique beaucoup de paperasse, de travail dans les systèmes informatiques et des changements dans un moment de l’année où ils en ont déjà beaucoup sur les épaules », explique Patrick Legault, directeur général de la SDC.

Patrick Legault, directeur général de la SDC Hochelaga (Courtoisie)

Des tâches de plus dans une période plus qu’achalandée

La nouvelle mesure arrive en effet au moment où les commerçants sont submergés par les achats de cadeaux des clients et la préparation des provisions pour les Fêtes. « En cette période, déjà avec nos opérations quotidiennes, nous sommes très occupés. De devoir libérer deux employés durant une journée pour faire ça, c’est beaucoup. Et en soi, je ne crois pas que ça nous apportera nécessairement plus de business », avance Jérôme Dionne, directeur des opérations à la boulangerie Arhoma. Il prévoit donc devoir consacrer deux effectifs durant une journée de travail complète à l’application de la mesure. Ceux-ci devront dresser la liste des produits, entrer dans le système et retirer manuellement la TPS sur chaque produit concerné. Œuvrant dans l’alimentaire, la boulangerie de quartier compte entre 2 000 et 3 000 produits, dont certains seulement sont touchés par le congé de taxe.

Annie Martel, présidente de Terre à soi (Photo tirée de LinkedIn)

Pour le magasin général Terre à soi, dont deux succursales se trouvent respectivement à Hochelaga et dans Mercier, l’application de la mesure nécessitera, bien sûr, certaines manipulations informatiques, ainsi que la distinction entre les produits exemptés de la TPS et les autres. « On est bien organisés d’un point de vue informatique, mais on a beaucoup de catégories de produits. Il faudra bien différencier ce qui a de la TPS et ce qui n’en a pas », élabore Annie Martel, présidente de Terre à soi. L’entrepreneuse remet aussi en question la date choisie par le gouvernement pour l’entrée en vigueur de la loi. « S’ils voulaient donner un congé de TPS pour le temps des Fêtes, eh bien, dans le commerce de détail, le temps des Fêtes est commencé depuis novembre », fait-elle remarquer.

À la boutique de jouets Bric à Brac, un peu plus à l’ouest sur la rue Ontario, l’adaptation semble beaucoup plus simple. Tous les produits sont concernés par la mesure comme aucun jouet vendu sur place n’est classé 14 ans et plus, une spécificité précisée dans la loi. « Et notre caisse nous permet de l’appliquer facilement. Mais pour tous les autres commerces, il y a des choses exemptes, d’autres non. Il faut y aller au cas par cas, ça doit être l’enfer. Je n’aurais pas voulu être à leur place. Et pour ce que ça donne en bout de ligne, je trouve ça vraiment ridicule », souligne Yves Dugal, propriétaire de la boutique.

Patrick Legault de la SDC Hochelaga abonde dans le même sens : « Les frais que ça coûtera pour faire ces changements, ça grugera l’avantage qu’ils auraient pu retrouver en bout de ligne, qui est d’ailleurs un peu dur à déterminer. La personne qui achète a un rabais de 5 %, c’est louable, mais est-ce que ça fera une vraie différence? »

Jérôme Dionne, directeur des opérations chez Arhoma (Photo tirée de LinkedIn)

Appréhensions

Jérôme Dionne d’Arhoma appréhende déjà certains oublis parmi les produits à exempter de TPS. « J’ose imaginer que j’aurai de la gestion de cas durant cette période aussi, parce qu’on n’a pas la science infuse non plus. » Annie Martel, du magasin général Terre à soi, poursuit : « J’imagine que des clients s’attendront à avoir des congés de TPS sur tout ou sur tel type de produits. C’est une espèce de lourdeur administrative qui à mon sens ne sert à rien. »

Le directeur des opérations de la boulangerie de la place Simon-Valois aurait souhaité que les commerçants comme lui soient non seulement soutenus dans l’application de la mesure, mais aussi consultés dès le début, avant même l’élaboration du projet de loi. « On aurait peut-être aimé être mis au courant, du moins accompagnés ou consultés. Parce que ça semble vraiment être une belle initiative qui bénéficiera peut-être aux clients, mais c’est une lame à double tranchant pour les commerçants. »

En attendant, Jérôme Dionne, tout comme les autres commerçants canadiens, devra planifier temps et énergie pour remettre la taxe en place dès le 16 février. Ce dernier croit d’ailleurs que la mesure aurait pu être davantage profitable aux commerçants à un autre moment de l’année. « Si ça avait été dans une période plus tranquille, on aurait peut-être pu y croire un peu plus », conclut-il.