La ministre Chantal Rouleau se dit satisfaite des retombées générées jusqu’ici par le comité d’élus de Montréal-Nord (photo : Léa Villalba).

COMITÉ D’ÉLUS DE MONTRÉAL-NORD : UNE INITIATIVE APPLAUDIE… QUI SUSCITE BIEN DES ATTENTES

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’été a été chaud à plusieurs égards sur le territoire de Montréal-Nord l’an dernier. La recrudescence marquée des crimes avec arme à feu, certainement exacerbée par la crise de COVID-19 qui a particulièrement touchée cette partie de la métropole, avait carrément installé un sentiment de terreur chez certains résidents du nord-est de l’arrondissement. Ces événements à répétition avaient mis les médias en alerte (on se souviendra notamment d’un reportage marquant de Katia Gagnon de La Presse en octobre 2020), et l’urgence d’agir s’est alors fait sentir rapidement auprès des autorités locales, mais aussi nationales.

C’est la ministre responsable de la Métropole et de la région de Montréal et députée de Pointe-aux-Trembles, Chantal Rouleau, qui a alors pris les choses en main, en quelque sorte, en mettant sur pied en octobre 2020 un comité regroupant les élus locaux de tous les paliers de gouvernement. L’objectif de ces rencontres prévues sur une base mensuelle était de regrouper les forces capables d’agir rapidement, et de coordonner ensuite les actions afin d’apaiser le plus rapidement possible la situation. En parallèle, ces rencontres devaient contribuer à élaborer un certain plan commun à moyen et long termes pour améliorer de façon pérenne le cadre de vie des résidents du secteur nord-est de Montréal-Nord. « L’idée c’était de voir, avec chacun nos pouvoirs d’action et nos budgets, ce qu’on pouvait faire ensemble, ce que l’on pouvait coordonner ensemble pour calmer le jeu et rétablir la qualité de vie des résidents. Il n’y avait jamais eu, ou du moins cela fait très longtemps, de rencontres entre tous les élus du territoire sur une base régulière pour essayer strictement de régler cette problématique. Comme je l’ai dit à plusieurs reprises depuis, ces rencontres nous obligent à avoir le « réflexe Montréal-Nord », à garder le focus sur cette priorité, et c’est ça le but », a déclaré en entrevue Chantal Rouleau la semaine dernière.

Christine Black, mairesse de l’arrondissement de Montréal-Nord, dit également croire beaucoup en ces rencontres d’élus régulières, qu’elle perçoit comme « un moyen efficace qui nous oblige tous à mettre certains projets en haut de la pile. » Pour elle, il s’agit d’une occasion en or pour mettre le pied sur l’accélérateur afin de faire converger les investissements sur son territoire et dans sa communauté. « Je trouve que depuis un an, on a fait du progrès, les choses avancent plus vite surtout parce que nous avons une vue d’ensemble de ce qui se passe sur une base régulière. On sait qui fait quoi, ou qui va faire quoi, on s’entraide, on met mieux le doigt sur certaines priorités, donc ça accélère souvent le processus habituel. Par contre, on voit aussi qu’il reste beaucoup de choses à faire, beaucoup d’investissements à aller chercher pour améliorer de façon considérable et à long termes le cadre de vie dans le nord-est de l’arrondissement », affirme Mme Black.

La mairesse de l’arrondissement de Montréal-Nord, Christine Black (photo courtoisie).

Soulignons qu’il n’y a pas que les élus locaux qui participent à ces rencontres. La ville centre est toujours représentée (même la mairesse Plante y participe personnellement à l’occasion), le CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal, des organismes, et autres acteurs socio-économiques. « J’ai aussi invité des collègues du Conseil des ministres à pratiquement chacune des rencontres. Geneviève Guilbault, Lionel Carmant, Benoit Charette, Andrée Laforest et Mathieu Lacombe, par exemple, ont tous participé au processus. C’est ça aussi le réflexe Montréal-Nord pour moi », ajoute la députée de Pointe-aux-Trembles.

Déjà des résultats clame la CAQ

Pour Chantal Rouleau, il est clair que les 7 ou 8 rencontres qui ont eu lieu jusqu’à présent ont déjà porté fruit. « Du côté du gouvernement du Québec, c’est plus de 13 M $ d’investissements qui ont été faits dans le cadre de ces rencontres, et celles-ci ont également permis une plus grande sensibilisation de toutes les instances gouvernementales. Aussi, de nouvelles collaborations fructueuses avec des partenaires, organismes et fondations philanthropiques ont découlé de ces efforts de concertation. Il reste beaucoup à faire j’en conviens, mais je suis jusqu’à maintenant assez emballée par les résultats que nous avons obtenus », soutient la ministre.

La plus grande annonce depuis l’automne dernier est certainement la création d’un nouveau point de service du CLSC de Montréal-Nord dans le nord-est de l’arrondissement, qui vient palier à un manque flagrant de services de santé dans ce secteur. On parle ici principalement d’un nouveau Groupe de médecine de famille universitaire (GMF-U) qui desservira une population évaluée à environ 15 000 personnes dans un rayon plutôt dense de moins d’un km2. Les nouvelles infrastructures abriteront également des équipes en services sociaux et pour le maintien à domicile, alors que l’on prévoit dans une phase ultérieure l’implantation de services de dentisterie et d’optométrie. Québec a par ailleurs annoncé un budget supplémentaire récurrent de 3 M $ par année au CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal pour opérer ce point de service du CLSC.

Un deuxième investissement important a aussi été annoncé en juin dernier par la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, alors que cette dernière ajoutait 5 M $ à l’Équipe dédiée à la Lutte contre le Trafic d’Armes (ELTA) du SPVM, qui pourra ainsi doubler ses effectifs d’ici la fin de l’année (40 personnes au total feront partie de l’ELTA).

Et en date d’aujourd’hui 30 juin, le cabinet de Chantal Rouleau annonce l’ouverture d’un appel à projets sous le thème Des milieux de vie solidaires, inclusifs et sécuritaires dans l’est de Montréal. Visant à soutenir la réalisation de nouvelles initiatives locales et structurantes pour répondre à des enjeux sociaux présents dans l’est de Montréal, cet appel à projets est lancé dans le cadre du Fonds d’initiative et de rayonnement de la métropole (FIRM) du Secrétariat à la région métropolitaine (SRM). Les projets retenus pourraient notamment être liés à la prévention de la criminalité, l’inclusion sociale, la sécurité alimentaire, l’accès aux services, l’intégration des populations marginalisées et la réduction des inégalités.

Peu de changements sur le terrain déplorent les libéraux

Le son de cloche diffère toutefois du côté de la députée libérale provinciale de Bourassa-Sauvé, Paule Robitaille. La porte-parole de l’opposition officielle en matière de lutte contre la pauvreté et en matière de solidarité sociale se dit peu impressionnée, voire déçue du peu de changements observés sur le terrain depuis l’été dernier. « Évidemment, je me réjouie des efforts déployés par Mme Rouleau pour nous écouter, nous, les élus de Montréal-Nord, et aussi de certaines actions comme le point de service du CLSC et le renouvellement du programme Priorité Jeunesse, par exemple. Mais pour ce qui est d’apaiser la violence et les coups de feu sur le territoire, de contrer les effets néfastes des gangs de rue, pratiquement rien n’a avancé. Selon moi nous sommes pas mal au même point que l’été dernier à ce chapitre et ça s’annonce encore une saison chaude pour cet été. Je ne crois pas que les résidents qui étaient inquiets l’année dernière le sont moins aujourd’hui », affirme Mme Robitaille.

Paule Robitaille, députée de Bourassa-Sauvé (photo courtoisie).

La députée libérale déplore surtout que le gouvernement hésite à augmenter les budgets des organismes communautaires du secteur, alors que ce serait eux qui pourraient faire une différence sur le terrain, selon elle. « Le réflexe Montréal-Nord, ce devrait être de répondre aux besoins particuliers que demandent le territoire, et dans ce cas-ci cela passe beaucoup par l’intervention sur le terrain. Le problème, c’est que certaines demandes des organismes semblent sortir du cadre des programmes actuels des gouvernements, surtout celui du Québec, et ça semble tellement compliqué d’agir, alors que ça ne devrait pas ici. Par exemple, on aurait besoin de 6 à 8 travailleurs de rue en ce moment à Montréal-Nord, alors que nous en avons que deux. Tous les organismes réclament cela, mais la ministre ne bouge pas, c’est une fondation qui a pris le relais en ce moment à ce niveau, alors que c’est au gouvernement à assurer une pérennité pour ce genre d’initiative », clame la députée de Bourassa-Sauvé. Cette dernière est aussi d’avis que beaucoup plus d’investissements devraient être faits dans les programmes d’employabilité et d’aide aux études dans le nord-est montréalais, une clef selon elle pour aider à mieux encadrer et soutenir les jeunes sur le territoire. « Aider les jeunes à trouver du travail, à s’épanouir au travail, ou encore les aider à mieux réussir à l’école, ça peut faire une différence rapidement. Et c’est ça qu’on réclame, de l’aide concrète pour les intervenants de première ligne. Je souhaite qu’on aille plus dans cette direction pour les prochaines rencontres et les prochaines annonces, le cas échéant », termine Mme Robitaille.


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