UNE COALITION D’ORGANISMES COMMUNAUTAIRES DÉNONCE L’INACTION EN MATIÈRE DE PAUVRETÉ
Le 23 octobre dernier, la Corporation de développement communautaire de Rivière-des-Prairies (CDC RDP) et ses organismes membres, appuyés par la Table nationale des Corporations de développement communautaire (TNCDC), ont organisé une manifestation devant les bureaux de la députée de Pointe-aux-Trembles et ministre responsable de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire, Chantal Rouleau. Présentée dans le cadre de la campagne intitulée « Le Québec est KO » de la TNCDC, cette mobilisation communautaire avait pour but de sensibiliser le gouvernement à l’ampleur de la « crise sociale actuelle ».
Selon Marie-Line Audet, directrice générale de la TNCDC, les différents partis au pouvoir depuis 20 ans n’ont pas tenu leurs promesses de soutenir les milieux communautaires et, par le fait même, de s’attaquer au dossier de la pauvreté. Sur ce point, Mme Audet est formelle : « On est loin du compte! On a manqué clairement de vision et de volonté politique. »
Elle ajoute que la classe politique n’a entre autres pas tenu sa promesse de « rehausser le financement aux organismes communautaires promis à l’automne 2013 par le Parti Québécois et qui a été annulé par le Parti libéral après l’élection ».
Interpelant directement Chantal Rouleau, Mme Audet indique que sa tournée précédant le dépôt du quatrième Plan de lutte à la pauvreté (PLP4) et à l’exclusion sociale « était pourtant remplie de promesses ».
La TNCDC a d’ailleurs participé aux consultations de ce plan d’action et a même déposé un mémoire à cet effet. Pourtant, Marie-Line Audet déplore que « le PLP4 n’est pas du tout à la hauteur des attentes et ne répond pas aux besoins criants. »
La ministre Chantal Rouleau a quant à elle tenu à préciser par courriel que ce plan « d’une valeur de 4,3 G$ d’investissements » permettra d’investir « 750,1 M$ sur 5 ans pour réaliser les 71 nouvelles actions intervenant sur plusieurs fronts ».
Selon l’élue, cette impression que les promesses n’ont pas été tenues ces dernières décennies s’explique notamment par le fait que « la situation économique et sociale a considérablement changé ». Elle mentionne qu’il y a aujourd’hui moins « de personnes prestataires des programmes d’assistance sociale, mais qu’ils sont, pour plusieurs, plus éloignés du marché du travail ».
Prioriser les organismes plutôt que le financement par projet
Quels sont ces besoins criants dans le milieu communautaire auxquels doivent répondre plus activement les élus? Isabelle Fortin, adjointe de direction et responsable administrative de la CDC RDP explique que financer directement les organismes, plutôt que de procéder par projet, serait une piste de solution. « Ce type de financement a pour effet de fragiliser les organismes, pour la raison qu’il y en a rarement du financement récurrent par projet », précise-t-elle.
Selon cette dernière, cette priorisation aux projets et non au financement global des organismes a pour effet de créer « une compétition malsaine entre les organismes d’un même milieu », entraînant du même coup « des répercussions négatives sur les collaborations et les partenariats futurs ».
Même son de cloche chez la directrice générale de la TNCDC qui croit qu’un financement par projet « instaure une sorte de culture de l’urgence perpétuelle et un financement d’appoint au gré des aléas de l’actualité. » Elle précise aussi qu’un organisme obtient généralement un montant pour réaliser une action spécifique « dans un temps donné, souvent assez court » et que ce financement est de plus « précaire, peu prévisible et assujetti à des modalités bureaucratiques et de redditions de comptes importantes ».
La problématique de l’itinérance « cachée »
En plus de souligner la précarité du milieu communautaire, Isabelle Fortin rappelle que l’itinérance touche actuellement le quartier de RDP. Même si, selon elle, cet enjeu reste toujours « caché », elle souligne que des personnes en situation d’itinérance « campent dans les boisés et aux abords de la Rivière-des-Prairies, et plus particulièrement durant la saison estivale ».
C’est pourquoi, la CDC RDP « reste vigilante sur cet enjeu qui pourrait s’amplifier dans les années à venir avec la hausse du coût des loyers et l’augmentation du coût de la vie en général », indique Mme Fortin.
Sur ce point, la ministre Rouleau s’en remet au plan déposé en juin dernier, dans lequel « 3,5 G$ sont aussi prévus au cours des 5 prochaines années pour assurer la mise en œuvre de mesures en matière d’habitation et de lutte à l’itinérance. »
Elle n’est pas peu fière des initiatives de son gouvernement : « Mon collègue le ministre responsable des Services sociaux et délégué à la Santé [Lionel Carmant] investit en prévention en même temps qu’il offre des services aux personnes sans domicile. Au total, ce sont plus de 400 M$ que notre gouvernement a consacrés à cette fin. »
Continuer le combat
L’adjointe de direction et responsable administrative de la CDC RDP déplore que même si le milieu communautaire a déployé plusieurs actions de revendications et de mobilisation, « les instances décisionnelles concernées » ne semblent pas vouloir réagir à leurs demandes.
Marie-Line Audet soutient quant à elle qu’il demeure tout de même important de poursuivre la lutte. « On n’a pas le droit de lâcher. On va continuer de se faire entendre afin que le gouvernement prenne action pour sortir les gens de la rue », martèle-t-elle.
Ces mobilisations pourraient se poursuivre tant que les regroupements communautaires ne se sentiront pas écoutés, ajoute la directrice générale de la TNCDC. « Nous nous assurerons aussi que la réponse à cette crise sociale majeure soit un enjeu important de la prochaine campagne électorale et nous solliciterons l’ensemble des partis politiques à développer leurs propositions pour adresser cette situation. »
Coalition élargie
Réunissant déjà 2 800 organismes, le Réseau des CDC collabore avec des différents partenaires tels que le Collectif pour un Québec sans pauvreté, le Réseau solidarité itinérance du Québec ou encore le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU). Mme Audet affirme que des alliances stratégiques avec d’autres mouvements sont envisagées.
« La campagne Le Québec est KO, mise de l’avant à la mi-octobre, se veut une campagne non corporative, ouverte à toutes les collaborations et qui est en soi bien plus grande que nous. Les enjeux et les besoins sont criants partout au Québec », réitère-t-elle.
Et même si elle avoue que son cabinet n’a pas reçu de demande de la part de la CDC RDP ni de la TNCDC pour une éventuelle rencontre, Chantal Rouleau se dit prête à discuter avec ses représentants : « Ma porte est toujours ouverte. »