Lina Spagnuolo, directrice des soins infirmiers au CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal. Photo: Emmanuel Delacour/EMM

CLINIQUES IPS : LA SOLUTION POUR DÉCONGESTIONNER LES URGENCES DANS L’EST?

Désengorger les urgences : il s’agit d’un casse-tête complexe que l’on tente de résoudre partout au Québec, et un problème d’autant plus épineux dans l’est, là où seulement deux salles d’urgence desservent environ 500 000 personnes. Une clinique d’infirmières praticiennes spécialisées (IPS), la toute première en son genre à Montréal, vise à remédier à cette crise.

C’est dans le CLSC Olivier-Guimond, en plein cœur de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, que ce nouveau service a ouvert ses portes depuis le début du mois de décembre. Avec l’équipe complète d’IPS, on prévoit détourner des urgences entre 210 et 250 patients par semaine.

« Le principal objectif est de désengorger nos salles d’urgence parce qu’il y a trop de gens qui s’y présentent pour des problèmes de santé qui ne nécessitent pas un traitement d’urgence. Au fur et à mesure que le projet avancera et qu’on aura des IPS qui pourront prendre en charge la clientèle, le modèle pourra évoluer », explique Lina Spagnuolo, directrice des soins infirmiers au CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal.

Les volumes sont souvent élevés dans les urgences de l’est de Montréal, notamment à cause de sa grande population et parce que le nombre de lits d’hospitalisation est insuffisant par rapport aux besoins du secteur. « On tourne presque continuellement autour de 140 % de la capacité, c’est bien au-delà de ce que ça devrait être », indique-t-elle. Au moment d’écrire ces lignes, le taux d’occupation des lits dans les urgences était à 132 % à l’Hôpital Santa-Cabrini et 100 % à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, avec une moyenne de 125 % à Montréal.

Traiter les cas qui ne sont pas urgents

Le réseau de la santé connaît une crise, autant dans les services promulgués à la population générale que dans les ailes pédiatriques, à cause de la recrudescence des infections respiratoires. On souhaite ainsi alléger la pression sur le personnel des urgences dans l’est de Montréal en redirigeant les cas qui ne sont pas urgents vers la clinique.

La première clinique IPS dans l’est montréalais a été installée dans le CLSC Olivier-Guimond, situé dans l’arrondissement de MHM. Photo: Emmanuel Delacour/EMM.

Les IPS, parfois appelées « super infirmières », possèdent une formation avancée, avec une maîtrise universitaire. Depuis janvier 2021, grâce à la Loi 6, les IPS jouent un rôle élargi et mènent une pratique autonome. Elles peuvent traiter des maladies chroniques, comme des maux de dos récurrents, des infections mineures, telles que des otites ou des infections urinaires, et effectuer des suivis de grossesse.

La clinique ne prend pas de patients sans rendez-vous car ceux-ci doivent être préalablement référés par le 811, le Guichet d’accès à la première ligne (GAP) ou les salles d’urgence des hôpitaux Santa-Cabrini et Maisonneuve-Rosemont. « On va certainement avoir de la prise en charge de clientèle éventuellement. C’est encore un projet en développement », souligne Mme Spagnuolo.

Un projet monté rapidement

Il était pressant d’agir, selon Mme Spagnuolo, qui a épaulé ce projet monté en à peine un mois. Le 27 octobre dernier, toutes les directrices des soins infirmiers au Québec ont reçu un courriel de la part de la Direction nationale des soins infirmier dans lequel on indiquait que le ministère de la Santé demandait qu’on libère des IPS afin qu’elles contribuent à la mise en place d’une clinique spécialisée. « Le soir même, j’ai contacté le ministère pour indiquer qu’on a de grands besoins dans l’est; on a des centres hospitaliers qui sont en grande difficulté, alors nous levons la main, nous voulons une clinique IPS dans l’est », raconte la directrice.

Des huit CLSC existant sur le territoire du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, on a choisi le CLSC Olivier-Guimond parce que celui-ci a connu un plus faible achalandage au cours des dernières années. « L’espace était déjà prêt [pour accueillir ce type d’activité]. Compte tenu de l’urgence d’ouvrir en très peu de temps [c’était idéal], on y retrouve une salle d’attente, un comptoir d’accueil et des bureaux qui étaient libres parce qu’il y a certains médecins qui ont pris leur retraite », indique la directrice.

Afin de combler les heures de travail nécessaires pour mettre sur pied la clinique, les trois IPS qui se sont engagées dans ce projet font des heures supplémentaires volontaires. L’an prochain, celles-ci seront embauchées à temps complet pour travailler sur place. « Notre modèle consiste à avoir, autant que faire se peut, deux IPS qui travaillent en même temps pour qu’elles puissent s’épauler et se consulter l’une l’autre », indique Mme Spagnuolo. On prévoit aussi l’ajout d’une infirmière auxiliaire à l’équipe. Celle-ci pourra par exemple prendre les signes vitaux et faire des prises de sang.

La clinique est équipée de deux salles de consultation. Photo: Emmanuel Delacour/EMM.

Déjà on anticipe l’ouverture de deux autres cliniques IPS à Montréal au fil des prochaines semaines, à l’Hôpital Notre-Dame et au CLSC de Verdun. Une initiative similaire avait vu le jour dans la coopérative médicale SABSA à Québec, il y a quelques années, et le concept est depuis longtemps étudié comme solution pour remédier au fort achalandage dans les urgences du Québec.

Ce sont 1 097 IPS qui sont en fonction au Québec et 255 d’entre elles ont gonflé leurs rangs dans la dernière année, soit une augmentation de 30 % – la plus forte à ce jour. On retrouve une soixantaine d’IPS dans l’est de Montréal et on compte doubler leur nombre pour atteindre 125 IPS d’ici 2025.