LE CIUSSS DE L’EST-DE-L’ÎLE-DE-MONTRÉAL, LE CHEF D’ORCHESTRE DE LA RECONSTRUCTION SOCIALE
Au lendemain de la pandémie, le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal souhaite occuper son rôle d’acteur de premier plan au sein des communautés locales en s’assurant de soutenir les partenaires et la population dans la réponse aux besoins les plus importants. Après avoir mené enquêtes et sondages auprès des résidents sur son territoire, l’organisation a élaboré un « Plan de rétablissement et de résilience de la population » qu’il espère bientôt mettre en action.
« Le CIUSSS souhaite un peu être le chef d’orchestre, ou du moins un catalyseur, dans l’est, pour travailler avec ses différents partenaires — les tables de quartier, les organismes communautaires et autres institutions — afin d’amener une réflexion et éventuellement des actions, explique Julie Provencher, directrice du programme jeunesse et des activités de santé publique au CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal. On veut se pencher sur ce qu’on peut faire pour aider au rétablissement des personnes les plus vulnérables, celles qui ont le plus été touchées par la pandémie. »
Un sondage révélateur
Ce plan, lancé au début de 2021, a tout d’abord commandé un état de la situation. On a voulu déterminer quelles ont été les conséquences de la pandémie sur la population, en dehors des répercussions directes du virus sur la santé. « Quels sont les effets collatéraux des mesures sanitaires ? On sait qu’il y a eu beaucoup d’impacts, mais il faut les identifier correctement et les colliger. C’est aussi notre rôle de fournir ce type de données à nos partenaires », souligne Mme Provencher.
Le CIUSSS a embauché la firme Léger pour qu’elle sonde 1 520 répondants vivant dans l’est montréalais durant l’été 2021, grâce à des panels Web et des appels téléphoniques. Parmi les répondants qui ont eu la COVID, 34 % ont affirmé avoir ressenti ou vécu de l’isolement de façon régulière, entre le printemps 2020 et le printemps 2021. De plus, 37 % des personnes dans ce groupe ont dit « ne pas être optimistes pour Montréal dans la prochaine année ».
Un second sondage, mené durant l’hiver 2021 auprès de 49 jeunes âgés de 14 à 18 ans, a dévoilé que 26 % d’entre eux ont considéré que leur santé physique s’est dégradée pendant la pandémie et que dans l’ensemble (finances, santé, habitudes de vie) 54,2 % ont affirmé se trouver dans une situation pire qu’avant la pandémie. Plusieurs autres données ont été récoltées grâce à ces enquêtes, qui aideront le CIUSSS à mieux informer ses partenaires.
« On n’est pas tombé de notre chaise en regardant ces résultats. On s’y attendait un peu. Il est certain que la pandémie a creusé les inégalités sociales de santé. Les gens moins bien nantis financièrement ou issus des communautés culturelles paient les frais de ce genre de crise. C’est malheureusement ce qu’on a observé », constate Mme Provencher.
Toutefois, on a été étonné d’apprendre que du point de vue générationnel, ce ne sont pas les populations les plus âgées qui ont le plus souffert de l’isolement pandémique. « On s’est rendu compte que ce sont plutôt les jeunes qui ont écopé de ces mesures de mitigation contre la COVID. La détresse psychologique est entre autres plus élevée chez les jeunes que chez les personnes âgées. Ce n’est pas surprenant quand on y pense bien; les personnes de 65 ans et plus qui ont un bon milieu de vie, en général, ont plus d’expérience et ont déjà connu des moments difficiles. Elles savent comment y faire face. Cependant, les adolescents n’ont pas les outils pour affronter ce genre de crise », affirme la directrice.
Vers un forum collaboratif
Lors de l’élaboration de son Plan de rétablissement, le CIUSSS a rencontré 300 de ses partenaires en avril dernier pour revenir sur les résultats de sondages menés. On envisage ainsi la création d’un forum en avril 2023 pour poursuivre les efforts. « On pourrait ainsi provoquer la rencontre entre les gens dans notre réseau, dans nos CLSC par exemple, avec nos partenaires. L’idée serait de se donner un thème relatif à l’innovation et de se dire : “voici ce qu’on fait et ce que vous faites, comment peut-on faire mieux et autrement et se mettre ensemble pour dégager un ou deux projets pilotes innovants ?” On n’a pas tous les mêmes missions, mais en collaborant, on peut certainement trouver un moyen de faire de l’innovation sociale », croit-elle.
Des actions concrètes et efficaces en cours
Avec toutes ces informations en main, le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal mène — et élaborera — plusieurs initiatives avec ses partenaires pour aider les résidents de l’est à se relever de la pandémie.
Cependant, le Centre intégré n’a pas attendu de tirer des conclusions de la COVID pour poser des actions concrètes afin d’aider les résidents à garder la tête hors de l’eau, que ce soit dans les enjeux de santé, mais aussi pour parer aux difficultés socio-économiques qui ont découlé de l’état d’urgence sanitaire.
Par exemple, près de 200 bénévoles sont présents sur le territoire après avoir reçu une formation de la Croix rouge pour détecter la détresse psychologique. Ces éclaireurs bénévoles sont soutenus par des intervenants relais du CIUSSS. Les intervenants relais font toutes sortes d’activités, tels que recruter des éclaireurs, mais animent aussi des kiosques de prévention en santé, accompagnent dans une perspective de proximité les gens qui en auraient besoin, et peuvent faire le relais vers le réseau de la santé.
Les intervenants relais ont recruté des éclaireurs dans des organismes communautaires et dans des maisons de jeunes, pour qu’ils puissent repérer les difficultés en santé mentale de leur clientèle, afin « d’agir en amont des problèmes ».
« De plus, afin de créer des ponts et d’éviter de travailler en silo, le CIUSSS a pris certaines initiatives, telles que de provoquer une rencontre avec les dirigeants de l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM) afin d’échanger sur les enjeux vécus sur le plan du partenariat. De cette rencontre, les gestionnaires qui dirigent l’équipe de soutien à domicile pour les gens en perte d’autonomie ont décidé d’implanter des agents de liaison, afin de faciliter le référencement et la collaboration avec notre partenaire OMHM. Plus de 10 000 personnes vivent dans des HLM sur le territoire du CIUSSS de l’Est. C’est donc important que nous puissions travailler différemment pour bien répondre à leurs besoins » explique Mme Provencher.
En terminant, la directrice dit espérer qu’à terme, le Plan de rétablissement et de résilience pourra aider à rejoindre les plus touchés par les contrecoups de la pandémie. « On veut se doter d’un levier qui va nous permettre de travailler autrement et de consolider nos relations avec nos partenaires. On souhaite pouvoir saisir l’impulsion du moment que l’on connaît présentement afin d’animer nos partenaires pour travailler ensemble sur les gros défis qu’il y a dans l’est. »