L’ancien marché de Maisonneuve. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM).

LES DÉFIS DE CONSERVATION DE LA CITÉ DE MAISONNEUVE 

Afin de garder en santé ses bâtiments historiques, Mercier–Hochelaga-Maisonneuve (MHM) procédera à plusieurs travaux de rénovation dans certains d’entre eux au courant de l’année. EST MÉDIA Montréal a pu visiter les coulisses de ces édifices situés dans le site patrimonial de l’Ancienne-Cité-de-Maisonneuve pour mieux comprendre l’ampleur des chantiers à venir.

Notre premier arrêt se fait à l’ancien marché public de Maisonneuve, situé rue Ontario, au nord de l’avenue Morgan. Construit entre 1912 et 1914 à partir des plans de l’ingénieur et architecte Marius Dufresne, celui-ci est somme toute assez bien conservé. Il a fait l’objet de quelques travaux de réaménagement lorsque s’est installé le Centre culturel social et éducatif Maisonneuve (CCSE) en 1980, ainsi que de plus récentes interventions de restauration au niveau de sa fenestration et des tuiles de la toiture, explique Sébastien Gagnon, chargé de projet à MHM.

D’autres travaux, notamment au niveau de la plomberie, de la toiture et des marquises, dont l’armature en acier est atteinte par la rouille, pourraient bientôt être prévus. « Ce ne sont pas des interventions très glamour, mais elles sont nécessaires pour préserver ce bâtiment qui est un héritage fondamental pour l’arrondissement », résume M. Gagnon.

Vue de l’intérieur du lanterneau de l’ancien marché. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM).

Cependant, on anticipe que ces efforts de maintien d’actif coûteront cher à l’arrondissement, car les prix dans le milieu de la construction ont « explosé » durant les dernières années. Ainsi, si de plus grands travaux de restauration devaient se faire sur l’édifice centenaire, il faudra d’abord choisir judicieusement où l’on investira les deniers publics. « On poursuit la réflexion à ce sujet », indique M. Gagnon.

Il s’agit d’un enjeu dont est bien conscient le maire de l’arrondissement, Pierre Lessard-Blais. Ce dernier constate que les administrations locales doivent souvent porter sur leurs épaules la responsabilité financière de la préservation du patrimoine bâti.

« Nous avons la chance d’avoir un patrimoine architectural inestimable dans Maisonneuve et je suis fier que l’arrondissement investisse pour le restaurer, mais je déplore que cette responsabilité soit assumée entièrement par le municipal. Les gouvernements provinciaux et fédéraux ont le beau rôle de déclarer patrimoniaux certains sites; il serait logique que ces mesures viennent avec le financement pour en garantir la préservation », indique-t-il par courriel.

L’ancien marché est un exemple probant de la complexité qui accompagne les chantiers de préservation et de restauration des édifices patrimoniaux. EST MÉDIA Montréal a pu visiter une partie du bâtiment inaccessible au public : la toiture du marché.

Les tuiles en verre du dôme du lanterneau. (Photo: courtoisie Julie Bellemare).

Au bout de plusieurs petits escaliers de bois périlleux, il est possible d’accéder au grenier de l’édifice. À l’arrière des énormes systèmes de ventilation se cache un second escalier, celui-ci nous amenant au lanterneau. En gravissant les marches en colimaçon, on peut y apercevoir une vue imprenable sur le quartier. Puis, tout au sommet, un secret nous est révélé : contrairement aux tuiles en argile de la toiture, les tuiles qu’arbore le dôme au sommet du marché sont faites de verre. L’effet créé par la lumière qui entre dans ce petit espace est sans pareil. « À l’époque, un lanterneau comme celui-là, c’est un élément central d’un bâtiment. Lorsqu’on fait de la restauration là-dedans, comme cela a été fait au niveau des tuiles il y a quelques années, ce n’est pas aussi simple que d’appeler un électricien. Il faut s’informer sur les standards de restauration et choisir des entrepreneurs qui ont l’expertise voulue », insiste M. Gagnon. Malheureusement, ce type d’expertise se fait de plus en plus rare et vient toujours avec des coûts élevés, ce qui rend les efforts de préservation plus difficiles, note-t-il.

Chalet du parc Morgan

À l’autre bout de l’avenue Morgan, on retrouve un parc du même nom, dont le chalet construit en 1931 a besoin d’un peu d’amour.

L’arrondissement a annoncé lors de son conseil du 3 avril dernier qu’un contrat a été accordé à la firme Axe Construction pour y démarrer le chantier au courant du mois. On anticipe la conclusion des travaux en janvier 2024. Les coûts prévus s’élèvent à un peu plus de 2 M$.

Le chalet du parc Morgan. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM).

Le chalet est unique dans sa construction mais aussi parce qu’il s’agit d’une des rares installations publiques montréalaises à donner accès à des vespasiennes à l’ancienne. Sa réfection comprendra notamment des interventions au niveau de la maçonnerie extérieure. On prévoit aussi le remplacement des parements de bois des corniches et des frontons, la restauration des portes et des fenêtres, l’imperméabilisation des fondations, le renforcement de la structure de la toiture et le remplacement de la couverture de la toiture.

« Avant 1999, les bardeaux de la toiture étaient faits en amiante. Évidemment, lorsqu’il s’agit de restauration de bâtiments patrimoniaux, on souhaite préférablement utiliser les matériaux d’origine, mais dans ce cas-ci, ce n’était évidemment pas possible. On a donc opté il y a 24 ans pour des bardeaux en asphalte. Malheureusement, ceux-ci ne sont pas aussi durables et c’est pourquoi nous voulons les changer pour des bardeaux en ardoise », souligne Allen Dejean, chargé de projet. En effet, la dégradation est visible à l’œil nu et on peut même apercevoir de la végétation pousser sur la toiture.

Un garde-fou du chalet du parc Morgan qui doit être réparé. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM).

Quant aux garde-corps en métal installés à l’intérieur de la partie supérieure du chalet, ils seront retirés pour laisser place à des moulures identiques à celles vues à l’extérieur du petit bâtiment, arborant la Croix de saint André. « On possède encore les plans d’origine du chalet, donc c’est très utile quand on veut faire de la restauration », affirme M. Dejean. Malgré les marques du temps, le chalet est plutôt bien conservé, souligne-t-il. Dans le passé, la fenestration des vespasiennes a été refaite et on a même installé des toilettes accessibles universellement dans la portion réservée aux femmes. Toutefois, à part les lavabos qui ont été remplacés, les vespasiennes conservent leur apparence d’antan. Par ailleurs, il faut noter que celles-ci seront inaccessibles durant les travaux et que des toilettes chimiques seront mises à la disposition des citoyens.

Bain Morgan

Le Bain Morgan. Photo: Emmanuel Delacour/EMM

Ancien bain public transformé en piscine municipale, l’édifice du Bain Morgan abrite aussi les locaux de l’organisme Y’a QuelQu’un l’aut’bord du mur (YAM) et de l’Atelier d’histoire Mercier–Hochelaga-Maisonneuve. Construit entre 1914 et 1915, le bâtiment conserve la plupart de ses éléments d’origine, dont sa fontaine centrale extérieure Les petits baigneurs de l’artiste Alfred Laliberté, qui fut aussi l’auteur de la fontaine monumentale La fermière qui fait face à l’ancien marché de Maisonneuve. Des sculptures de calcaire d’Arthur Dubord ornent aussi son fronton.

D’importants travaux sont prévus par l’arrondissement afin de redonner un peu de lustre aux lieux, surtout au niveau du parvis dont les pierres ont souffert des hivers québécois et sont maintenant délogées. Les statues de calcaire au sommet de la façade, ainsi que les briques jaunes de l’enveloppe, seront nettoyées. De plus, quelques petits carrés en verre qui ont été brisés seront remplacés. Enfin, on souhaite réduire l’empreinte carbone du bâtiment en procédant à l’électrification de la chaufferie. Celle-ci est actuellement alimentée au gaz naturel, mais on croit pouvoir réduire de 80 % l’utilisation du combustible en faisant appel à des installations électriques modernes, explique Emmanuelle Thibodeau, chargée de projet.

L’appel d’offres pour toutes ces interventions n’ayant pas encore été lancé, il est impossible pour l’arrondissement de donner un coût exact pour ces travaux. On prévoit cependant que ceux-ci pourraient commencer au mois de juin ou juillet.

Chose certaine, la piscine devra être fermée au public durant les travaux, et les organismes communautaires qui logent au Bain Morgan devront déménager temporairement. « Il va y avoir des échafaudages tout autour de l’édifice, ce qui rendra sont accès plus difficile et ce ne serait pas très agréable pour les gens à l’intérieur s’ils devaient y demeurer », souligne Mme Thibodeau. L’Atelier d’histoire et YAM déménageront donc au 4115, rue Ontario durant cette période. Les employés de l’Atelier d’histoire n’auront pas à déménager l’entièreté de leurs archives, une partie de celles-ci ayant été numérisées.

Les bureaux et archives de l’Atelier d’histoire de MHM. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM).