CHANTAL ROULEAU PRÉSENTE SA RÉFORME DE L’AIDE SOCIALE
Dépoussiérer une loi qui n’avait pas été modifiée depuis les 20 dernières années, c’est ce que dit avoir accompli Chantal Rouleau, ministre responsable de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire, et députée de Pointe-aux-Trembles en déposant sa « Loi visant à améliorer l’accompagnement des personnes et à simplifier le régime d’assistance sociale », communément appelé loi 71.
« Ce qu’on a voulu faire, c’est humaniser cette loi-là en la modernisant », explique d’entrée de jeu Mme Rouleau en entrevue avec EST MÉDIA Montréal. Depuis 20 ans, la société québécoise a grandement changé, puisqu’en 2005, près de 9 % de la population de la province était prestataire de l’assistance sociale, tandis qu’aujourd’hui, c’est plutôt 5 % qui fait appel à cette aide de dernier recours. Plus précisément, en juin 2024, on dénombrait 288 556 adultes prestataires des programmes d’assistance sociale (incluant plus de 55 692 demandeurs d’asile) comparativement à 393 797 il y a 20 ans, selon les données fournies par l’équipe de Mme Rouleau.
Dans toutes les catégories (avec ou sans contraintes à l’emploi), le nombre de demandeurs de prestation a diminué au cours des dernières années, exception faite des demandeurs d’asile. Effectivement, ils étaient un peu plus de 7 000 en 2005, tandis qu’ils étaient plus de 55 000 cet été. La ministre constate que cette tranche de la population impose une forte pression sur le programme d’aide sociale. « Ils représentent 30 % de tous les prestataires dans la province; 36 % à Montréal. La société québécoise a une responsabilité envers ces personnes, mais il faudra trouver des solutions », anticipe Mme Rouleau, qui ajoute que des discussions sont en cours avec Ottawa à ce propos. Le Québec étant une porte d’entrée au Canada pour de nombreux demandeurs d’asile et le fait que les délais pour l’obtention d’un permis de travail sont parfois importants font en sorte que plusieurs d’entre eux font appel à l’aide sociale québécoise pendant 11 mois.
« Aujourd’hui, les prestataires sont plus éloignés du marché du travail, les conditions sont différentes », souligne la ministre. L’éloignement dont parle la députée de Pointe-aux-Trembles, ce sont des embûches que vivent souvent les personnes faisant appel à l’aide sociale, comme le sont les enjeux de santé mentale ou physique, ou bien encore le décrochage scolaire durant leur parcours d’éducation.
« C’est un remaniement en profondeur qu’on apporte. On veut aider les personnes à trouver leur chemin vers le marché du travail. Il faut changer les idées préconçues; je n’ai jamais rencontré une personne recevant des prestations qui disait : « Moi, je ne veux pas travailler » », insiste Mme Rouleau. Ce remaniement, qui regroupe les prestataires de deux programmes actuels, le Programme d’aide sociale et le Programme de solidarité sociale sous le Programme d’aide financière de dernier recours, se fera sans élargir le budget du régime, établi à 3,3 milliards par an.
Plusieurs mesures
Dans un premier temps, la ministre affirme qu’en remplaçant les notions de contraintes à l’emploi par des notions de contraintes de santé, le nouveau programme d’aide financière de dernier recours mettra de l’avant une évaluation de l’état de santé du prestataire et les enjeux psychosociaux qui pourraient affecter ses démarches de recherche à l’emploi, plutôt que d’évaluer uniquement sa capacité à travailler. Pour faciliter ce processus, l’évaluation médicale sera élargie à d’autres professions du domaine de la santé et des services sociaux, au-delà des médecins généralistes.
« Ma collègue Sonia LeBel (ministre responsable de l’Administration gouvernementale) est en train de déposer un projet de loi pour élargir les responsabilités des professionnels de la santé. C’est donc un règlement qui va suivre l’adoption du projet de Mme LeBel », indique Mme Rouleau. Sans s’avancer sur la liste complète des professionnels de la santé qui pourront procéder à l’évaluation de santé d’un éventuel prestataire, la ministre énonce la possibilité que cette responsabilité soit prise en charge par des psychologues ou encore des travailleurs sociaux.
Par ailleurs, Mme Rouleau rappelle qu’environ 40 % des prestataires de l’aide sociale n’ont pas de diplôme d’études secondaires. Même si au 1er trimestre de 2024, 35 255 postes vacants n’exigeaient aucun niveau de scolarité, la ministre veut favoriser la diplomation, en accordant notamment des allocations supplémentaires une fois les études complétées.
Encore dans l’optique de faciliter l’accès au travail pour les jeunes adultes, le nouveau programme abolira la contribution parentale pour les prestataires issus d’un parcours à la Protection de la jeunesse qui vivent seuls. Cette déduction était imposée aux prestations des jeunes adultes, car leurs parents avaient le devoir de contribuer. Cela créait des situations problématiques, car ces jeunes devaient communiquer avec leurs parents et obtenir d’eux une preuve qu’ils ne vivaient plus ensemble pour avoir la pleine prestation.
Enfin, la loi vient individualiser les chèques de prestation, puisque dans certains cas, c’était le couple qui recevait une prestation globale. Cette mesure « très attendue », viendra entre autres sécuriser la situation des partenaires victimes de violence conjugale.