CDC RDP : PARCE QU’ENSEMBLE, ON PEUT CHANGER LE MONDE

Si les organismes communautaires sont reconnus pour faire beaucoup avec peu, c’est encore plus vrai lorsqu’ils peuvent s’appuyer sur un réseau de partenaires solide. Dans Rivière-des-Prairies, un des quartiers montréalais les moins favorisés sous plusieurs aspects, mais des plus diversifiés sur le plan culturel, le milieu communautaire est très actif et structuré. Une grande partie des organismes prairivois se regroupent ainsi sous la bannière de la Corporation de développement communautaire de Rivière-des-Prairies (CDC RDP), une instance qui leur permet d’obtenir et de partager une foule de services complémentaires à leurs opérations, mais non moins essentiels. Portrait de cette organisation qui, dans l’ombre très souvent, du moins aux yeux du public, joue un rôle extrêmement important au niveau de la qualité des services communautaires offerts à la population du nord-est de l’Île.

Un secteur qui se développe… et qui se mobilise

Depuis sa fondation à la fin du 17e siècle, Rivière-des-Prairies a longtemps été un large secteur agricole. Il faudra le boom de l’étalement urbain de la première moitié des années 1900 pour en faire un quartier résidentiel périphérique à la « grande ville ». En 1954 on y compte quelque 6 500 habitants, alors que la municipalité est officiellement annexée à Montréal en 1963 (11 200 habitants). C’est à partir des années 1970 que le secteur connaîtra une forte expansion démographique, qui sera appuyée par la construction de nombreuses installations publiques comme des écoles, CLSC, piscine, aréna, etc. Le nombre de résidents ne cessera de croître depuis lors pour atteindre près de 60 000 personnes selon les derniers relevés. La population de RDP est plutôt diversifiée sur le plan culturel abritant 34,1 % d’immigrants. 44 % de ses résidents utilisent une langue maternelle autre que le français, selon les données du recensement 2016 de Statistique Canada. Finalement, le quartier est moins pauvre financièrement que certains pourraient le penser alors que 11,4 % des personnes sur le territoire sont considérées à faible revenu, comparativement à 21 % sur l’Île de Montréal. Par contre 24,6 % sont sans diplôme d’études secondaires, contre 17 % sur l’Île.

En parallèle de ce développement rapide, la communauté prairivoise, au fil des ans, s’est prise en main collectivement et ce de façon considérable. Aujourd’hui, on compte près d’une cinquantaine, sinon plus, d’organismes communautaires évoluant dans pratiquement toutes les sphères d’activités sociales. Santé, éducation, jeunes, aînés, logement, emploi, alimentation, sport, loisir… Les organismes sur le territoire offrent une foule de services à la population, incluant bien sûr les personnes en situation de pauvreté, au-delà de ce qui se fait dans bien d’autres quartiers montréalais.

Afin de regrouper leurs forces et d’augmenter leurs capacités d’intervention, la majorité des organismes de RDP ont créé une première instance collective à la fin des années 1990, qui rejoindra un peu plus tard le réseau des Corporations de développement communautaire. Ce dernier regroupe aujourd’hui pas moins de 69 CDC couvrant pratiquement tout le Québec, et représentant plus de…2 700 organismes communautaires! Soit environ la moitié de l’ensemble des organismes reconnus par le gouvernement québécois.

La CDC RDP, composée d’une équipe de cinq employés permanents, compte maintenant dans ses rangs une trentaine d’organismes communautaires, et son rôle est multiple envers ses membres. Financée principalement par le gouvernement du Québec, comme toutes les autres CDC, elle ne charge symboliquement que 35 $ par année aux organismes pour adhérer à ses services. « Notre rôle principal est certainement de représenter nos organismes auprès des instances gouvernementales, et ce pour divers dossiers comme le financement, la réglementation, l’employabilité, le logement, la formation, etc. Ensuite, en plus d’animer ou de soutenir la concertation sectorielle, on offre un accompagnement et du soutien aux membres qui varie selon les besoins, et ils sont nombreux. Par exemple, nous pouvons les aider dans la formation d’un conseil d’administration, pour trouver du financement, pour élaborer leurs règlements généraux, pour former du personnel, pour trouver des ressources externes, pour organiser des événements, pour du prêt de matériel de toute sorte, vraiment, il n’y a pas grand-chose qu’on ne fait pas pour les soutenir (rires). C’est ça, la CDC RDP, une équipe tisée serrée qui est là pour faire bouger les choses collectivement dans Rivière-des-Prairies, pour aider la communauté à se prendre à main, améliorer la qualité de vie de tous, et surtout celle des moins favorisés », explique Isabelle Fortin, agente de liaison et administration à la CDC-RDP.

Isabelle Fortin (photo courtoisie CDC RDP)

Mais la CDC de RDP porte aussi un autre important chapeau sur le territoire, que d’autres CDC ailleurs au Québec portent autrement. Elle est mandatée pour animer et gérer la Table de développement social de RDP, « une concertation intersectorielle et multi-réseaux axée sur l’amélioration des conditions et de la qualité de vie de la population locale dans une perspective de lutte à la pauvreté et à l’exclusion sociale », peut-on lire sur le site web de l’organisme. Ce qui veut dire, en d’autres termes, qu’il s’agit de la table de quartier de RDP, qui regroupe la majeure partie des principaux organismes et institutions sur le territoire. « En fait, même si la mission de la CDC est différente de la Table de quartier, les vases sont évidemment communicants car on parle d’intervention sociale, d’organisation sociale et de solidarité sociale. Les employés de la CDC vont organiser et animer les événements de la Table alors que les membres vont prendre des décisions, des orientations en lien avec ces événements ou ces activités. Par ailleurs, les services directs de la CDC RDP aux membres, comme on l’a vu précédemment, sont plus de l’ordre du cas par cas, selon les besoins de chaque organisme individuellement », avance Mme Fortin.

Une CDC, qu’ossa donne ?

Comme le titre du fameux monologue d’Yvon Deschamps, Les unions, qu’ossa donne?, une CDC dans Rivière-des-Prairies depuis près d’un quart de siècle, ça donne quoi, finalement, comme résultats? Bien des victoires dit-on. Beaucoup de petites, quelques moyennes, et aussi des grandes. Comme, la sauvegarde du poste de police local (poste 45), menacé de fermeture en 2014 par le SPVM pour sauver des coûts, alors qu’on voulait le jumeler au poste voisin de Pointe-aux-Trembles. « Cette fois-là, tout le monde dans RDP s’est mobilisé, les organismes, les institutions, les citoyens, bref tous les groupes. Je n’ai encore jamais vu une telle volonté populaire depuis sur le territoire, c’était incroyable. La CDC a piloté, conjointement avec des organismes du quartier, cette mobilisation. Les citoyens se sont battus bec et ongles pour récupérer notre poste de police, et on a gagné. Les instances décisionnelles ont reculé en fonction de la mobilisation citoyenne. Cette journée-là, on a vu ce que l’on peut réaliser tous ensemble », soutient Isabelle Fortin.

Consultation publique pour la sauvegarde du poste de police 45 (photo archives de la CDC RDP)

Parmi les autres grandes réalisations issues de mobilisations orchestrées ou coordonnées par la CDC RDP ces dernières années, on peut souligner ici la mise en place de la coopérative d’habitation Courant du quartier, inaugurée en 2014; la nouvelle ligne d’autobus 81 créée par la STM en 2018 permettant une liaison avec P.A.T.; ou encore la création des Jardins communautaires Skawanoti sur le terrain du Cégep Marie-Victorin, un important projet d’agriculture urbaine qui ouvrira même la porte à un programme d’arrondissement en 2019. « Au-delà de ces réalisations, la CDC RDP appuie au quotidien une trentaine d’organismes communautaires, qui eux réalisent des interventions tous les jours sur le terrain, c’est ça qui est le plus important. On est là dans les grandes victoires à titre, très souvent, d’organisateur en chef dans les grands dossiers collectifs, mais on contribue aussi à fournir des services aux organismes qui complémentent leurs opérations. C’est ça, la CDC RDP », lance Isabelle Fortin.

Les grands enjeux actuels

Quels sont les défis de la CDC RDP en ce moment? Comme un peu partout ailleurs au Québec, on parle de la reconnaissance des organismes, de leur importance et de leur soutien de la part des instances gouvernementales, particulièrement du côté de Québec, qui annonce une refonte de la loi sur les organismes dans les prochains mois. On se prépare dans les officines des CDC à aller au front, paraît-il, surtout en ce qui concerne la question du financement. On semble toujours privilégier du financement aux projets envers les organismes, alors que ces derniers réclament avec vigueur du financement à la mission, principalement.

« Le logement, le projet Espace Rivière qui ne répondra pas aux besoins de tous les organismes du quartier, le coût des aliments, le piètre transport collectif dans RDP, l’épuisement professionnel, la gestion des ressources humaines, par exemple, sont d’autres enjeux qui reviennent en ce moment hanter les organismes de Rivière-des-Prairies. Ces temps-ci, ce sont les dossiers sur lesquels on se penche particulièrement à la CDC RDP. C’est un feu roulant ici, mais c’est aussi extrêmement stimulant, parce que le sentiment d’être utile à nos pairs, c’est ça qui nous motive tous au final », termine Isabelle Fortin, toujours le cœur sur la main. Pour vrai, diraient sans hésiter ses nombreux collègues et amis issus du milieu communautaire prairivois depuis déjà plus de 30 ans.


Cette série spéciale est financée par la Corporation de développement communautaire de Rivière-des-Prairies.