
Idéation volumétrique de l’aménagement de l’épicerie solidaire et de son espace café (Rayside Labossière)
21 février 2025LA CDC DE LA POINTE MISE SUR UNE RÉFLEXION COMMUNE POUR UN SYSTÈME ALIMENTAIRE PLUS COHÉRENT
La Corporation de développement communautaire (CDC) de la Pointe – région Est de Montréal cherche à élaborer des solutions collectives face aux défis socioéconomiques et environnementaux actuels, notamment en matière de sécurité alimentaire. L’organisme s’est donc engagé à développer de nouvelles initiatives collaboratives entre les secteurs communautaires, institutionnels et commerciaux, afin de mettre en place un système alimentaire plus cohérent, mais aussi indépendant, sur son territoire.
La CDC de la Pointe regroupe divers organismes et œuvre, entre autres, à rassembler le milieu communautaire et celui de l’économie sociale dans le but de lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale. La Corporation de développement communautaire a aussi pour mission de coordonner la table de développement social qui rassemble les différents partenaires de Pointe-aux-Trembles et de Montréal-Est, qu’ils soient privés, institutionnels, communautaires ou citoyens. « Une fois les partenaires mobilisés, l’objectif est de réfléchir et de collaborer pour développer des projets ou résoudre des problèmes. Ça peut être de renforcer les organismes communautaires dans leurs missions ou de créer des entreprises d’économie sociale », explique Jonathan Roy, directeur général de la CDC de la Pointe – région Est de Montréal.

Jonathan Roy, directeur général de la CDC de la Pointe – région Est de Montréal (Courtoisie)
En ce qui a trait à l’enjeu de la sécurité alimentaire dans le secteur, quelques organismes se consacraient déjà au dépannage alimentaire, mais les initiatives « plus larges » étaient jusqu’à dernièrement peu présentes dans l’est de Montréal, explique M. Roy. Selon lui, le problème résidait dans le fait que les différentes ressources n’étaient pas vraiment connectées en réseau, ce qui ne facilitait pas l’agilité au niveau du déploiement d’initiatives. « En 2017, le Réseau alimentaire de l’Est de Montréal a été créé. Ça a été une première amorce dans nos réflexions et dans la mise en commun des ressources dans l’est de Montréal au niveau de l’alimentaire », indique le directeur général de la CDC de la Pointe – région Est de Montréal.
Un système concerté pour alimenter… la sécurité alimentaire
Mis à part le Réseau alimentaire de l’Est, un nouveau projet a également émergé pour promouvoir une approche collaborative, locale mais aussi globale : le Système alimentaire concerté de la Pointe-de-l’île (SAPIC). Il a pour objectif d’améliorer la sécurité alimentaire des résidents des secteurs de Pointe-aux-Trembles et de Montréal-Est « en prenant en considération le processus alimentaire dans sa totalité » et en misant sur « la diffusion, l’éducation et le développement de projets structurants en lien avec l’alimentation ».
Il a été rendu possible grâce au financement de la Direction régionale de la santé publique et est porté par la CDC de la Pointe – région Est de Montréal et des acteurs communautaires et d’économie sociale des quartiers visés : Éco de la Pointe-aux-Prairies, PME MTL Est-de-l’Île et le Marché public de Pointe-aux-Trembles.
« On est vraiment, depuis deux ans, dans une perspective d’aménagement d’un système alimentaire local à Pointe-aux-Trembles et à Montréal-Est. On va accompagner nos organismes en sécurité alimentaire à se structurer, à se développer et à collaborer. Tranquillement, il y a aussi de nouvelles initiatives qui sont en train d’émerger, et on est en train de mettre tout ça en commun », précise Jonathan Roy.
Le directeur général nomme entre autres le projet des coupons nourriciers déployé en collaboration avec le Marché public de Pointe-aux-Trembles. « C’est une alternative supplémentaire pour des familles, notamment celles nouvellement arrivées dans l’est de Montréal. L’initiative a un double objectif. Ça va assurer une certaine visibilité et un roulement pour le Marché public et ça permet aussi à ces gens d’avoir accès à des produits locaux, notamment des fruits et des légumes frais. »
Projet « Terre en main » et épicerie solidaire à PAT
Un projet intitulé « Terre en main », une initiative en prévention et en gestion de crises socioclimatiques, a été lancé à l’unisson par les corporations de développement communautaire de Rivière-des-Prairies et de Pointe-aux-Trembles/Montréal-Est. Ce dernier mobilisera divers acteurs économiques, communautaires, institutionnels et citoyens pour permettre les différentes étapes de sa réalisation.

Cindy Richard, agente en développement social à la CDC de la Pointe – région Est de Montréal (Courtoisie)
Le projet vise plus concrètement à renforcer la résilience alimentaire du territoire en améliorant la capacité du système local à gérer les perturbations futures, notamment en tirant des leçons des crises passées, comme la pandémie de la COVID-19, qui a « beaucoup affecté nos systèmes alimentaires », souligne Cindy Richard, agente en développement social à la CDC de la Pointe.
« L’aménagement de notre territoire, où l’on retrouve des déserts alimentaires, fait en sorte que le système alimentaire n’est pas particulièrement fort, durable et inclusif non plus. On est aussi très dépendants de nombreux facteurs extérieurs, comme les changements climatiques, qui n’iront pas en s’améliorant. Il y a aussi tout ce qui concerne le contexte social, politique et économique, si on regarde ce qui se passe actuellement avec les États-Unis, par exemple. »
Le projet « Terre en main » a donc pour objectif de trouver des solutions pérennes pour agir collectivement en amont et anticiper les défis à venir. Pour sa première année, l’initiative prévoit trois livrables qui dresseront un diagnostic complet du système alimentaire du secteur. « Et le but est d’ensuite faire un plan d’action pour développer une communauté nourricière durable et inclusive. On est actuellement dans la phase de collecte d’informations, puis on va ensuite passer à l’analyse. Le Réseau alimentaire de l’Est va nous accompagner dans la production d’un document sur les circuits courts du système alimentaire, notamment », explique Mme Richard.
Les actions issues du projet pourraient inclure, entre autres, le réaménagement du territoire, notamment dans les zones abritant des personnes vulnérables, ainsi que la création de jardins urbains. « Un jardin pourrait non seulement fournir des bénéfices alimentaires, mais aussi aider à abaisser le niveau de chaleur », souligne l’agente.
La CDC de la Pointe étudie aussi présentement diverses options pour créer une épicerie solidaire, potentiellement dans le quartier historique de Pointe-aux-Trembles. « On est dans l’élaboration d’un projet d’épicerie de quartier, qui serait un projet communautaire d’économie sociale. En ce moment, on est vraiment en négociation pour trouver un terrain d’entente au niveau du local. C’est certain qu’un effort d’autofinancement sera nécessaire, mais il faut aussi travailler en commun pour trouver des sources de soutien. Le modèle doit aussi être durable pour maintenir la location du local sur plusieurs années », explique Jonathan Roy.
Ce dernier ajoute que le plan d’affaires de l’épicerie est maintenant terminé et que la mission première du commerce consiste à être « accessible autant pour la population locale que pour la nouvelle population qui va s’ajouter dans les logements construits [dans le Vieux-Pointe-aux-Trembles] ».
La date d’ouverture prévue de l’épicerie n’est pas encore déterminée, mais si le projet va de l’avant, elle devrait suivre de près la fin des travaux de construction des nouveaux bâtiments dans le cadre de la revitalisation du Vieux-Pointe-aux-Trembles, prévue pour le printemps 2026.
L’importance de l’innovation sociale pour changer les choses
Dans le contexte actuel, où la précarité alimentaire est en hausse et où une forte demande pour l’alimentation locale est générée par la menace tarifaire en provenance des États-Unis, la mise en réseau des actions est plus importante que jamais, croit M. Roy. « Donc, on est actuellement en situation de rupture dans nos pratiques. Avec les différents pôles alimentaires et projets qu’on a, l’objectif est de rendre l’accès à la nourriture directement disponible sur place, là où les gens vivent. L’idée est d’être agile face aux crises socio-climatiques, mais aussi aux crises économiques et politiques, comme celles que nous connaissons actuellement avec l’augmentation des tarifs ou avec l’inflation », conclut le directeur général.
Sa collègue abonde dans le même sens. « Je pense que c’est important de devenir moins dépendants des ressources alimentaires externes et d’être plus autonomes. De cette manière, on va préserver l’écologie, tout en gagnant en indépendance pour mieux répondre aux besoins de notre territoire. »
Dans un contexte où l’innovation sociale est de plus en plus envisagée pour mobiliser la communauté et trouver des solutions durables, la CDC de la Pointe « est et sera au rendez-vous pour imaginer l’est de demain », conclut Jonathan Roy.