Michel Labrecque Parc olympique

Michel Labrecque, président-directeur général du Parc olympique (photo : EMM).

UN CAFÉ AVEC… MICHEL LABRECQUE

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Si un « vent de jeunesse » semble souffler du côté du Parc olympique ces dernières années, son président-directeur général Michel Labrecque y est certainement pour quelque chose. Alors que plusieurs le considèrent comme le principal artisan de la revitalisation des installations olympiques, celui-ci se décrit plutôt humblement comme « le porte-parole d’une fichue bonne équipe. » Rencontre avec un personnage sympathique, rigoureux, érudit… et un gestionnaire qui carbure toujours aux projets innovants.

EST MÉDIA Montréal :

Vous qui avez dirigé avec succès la Société de transport de Montréal (STM), l’organisme Vélo Québec, le festival Montréal en lumière, en plus d’avoir goûté à la politique à titre de conseiller municipal dans l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal de 2005 à 2009, qu’est-ce qui vous a amené à prendre les rênes du Parc olympique?

Michel Labrecque :

Après plusieurs années difficiles, on se souviendra notamment de la déchirure du toit du stade en 1999, du départ des Expos en 2004, etc. etc., le gouvernement québécois avait mis sur pied au tournant des années 2010 le Comité-conseil sur l’avenir du Parc olympique présidé par Lise Bissonnette. Le « rapport Bissonnette », déposé en décembre 2012, a été le déclencheur du renouveau que l’on connaît aujourd’hui car c’est à partir de ce dernier que le gouvernement du Québec a décidé d’investir de façon importante dans le maintien des infrastructures olympiques, mais aussi dans le potentiel d’exploitation du site, tant du côté événementiel que locatif, dans la tour du stade par exemple, et des services offerts à la population. Quand j’ai été nommé à la direction du Parc olympique en 2014, je savais qu’il y avait de l’argent sur la table pour aller de l’avant avec plusieurs projets de revitalisation et de relance, le pdg de l’époque David Heurtel avait d’ailleurs commencé le travail, et le défi, dans ces circonstances, m’allumait vraiment. J’y croyais moi, à une nouvelle ère, il fallait que cette signature montréalaise retrouve ses lettres de noblesse.

EMM : Beaucoup de choses ont évolué au Parc olympique depuis 2014. Il semble que le site soit aussi vraiment plus animé qu’avant. Qu’en est-il de cet aspect aujourd’hui?

ML : C’est vrai que le site accueille depuis quelques années plus d’événements, surtout à l’extérieur du stade, l’esplanade étant devenu un lieu d’attractions prisés des promoteurs et des Montréalais.es. Les grands concerts de l’OSM, et ensuite les camions de bouffe de rue, il y a déjà près d’une dizaine d’années, ont démontré qu’il était possible d’attirer beaucoup de monde avec des événements sur l’esplanade. Et comme le succès attire le succès, les promoteurs ont commencé à s’intéresser au site, avec aujourd’hui une programmation estivale vraiment bien garnie. Ça démontre aussi que les gens accèdent très facilement au Parc olympique, contrairement à une vieille croyance.

EMM : Parlons justement de ce mythe que le stade est loin, dans l’est de Montréal, mal situé pour des événements… Est-ce encore une perception?

ML : J’espère que non. À un moment donné… Quand on pense qu’on est à dix-quinze minutes du centre-ville avec deux stations de métro à l’est et l’ouest du stade (Pie-IX et Viau), que le site est facilement accessible par plusieurs lignes d’autobus, que nous avons l’un des plus grands stationnements intérieurs au Québec, des stations BIXI, etc., il ne faut pas exagérer. Mais on l’entend moins cet argument-là aujourd’hui.

EMM : Est-ce que le Stade pourra redevenir un lieu de grands événements, grands spectacles, voire même accueillir à nouveau des événements sportifs de grande envergure?

ML : Il faudra remplacer le toit, absolument. C’est cher et compliqué, mais il y a un plan d’affaires et on travaille là-dessus en ce moment, le dossier avance. On vise à améliorer le site dans son ensemble, dont l’acoustique notamment, pour attirer de nouveau des grandes foules dans le cadre de spectacles, d’événements de divertissement, de grands salons. Pour les événements sportifs, nous n’avons plus d’équipe en résidence mais nous pourrons certainement accueillir éventuellement des matchs d’exhibition par exemple, des grandes finales de soccer ou de football, etc. Mais tout ça est relié au remplacement du toit. Il faut toutefois spécifier que le stade accueille toujours de grands événements quand même, comme des salons, le Monster Spectacular, etc., mais le site sera encore mieux adapté quand le toit sera remplacé, nous espérons pour une période de 50 ans.

EMM : Des investissements majeurs pour le maintien et la rénovation des infrastructures ont été injectés ces dernières années, notamment dans la tour du stade. Pouvez-vous nous rappeler quels grands chantiers ont été réalisés?

ML : Il y a le centre sportif qui a été entièrement rénové, et qui fonctionne aujourd’hui vraiment très bien. Il est l’un des plus importants en Amérique du Nord, un joyau montréalais, et il faut rappeler qu’il abrite aussi l’Institut national du sport du Québec. Nous avons également modernisé tous les systèmes électromécaniques du Parc olympique, ce qui permet maintenant de réduire nos coûts énergétiques de près de 1,5 M $ par année et de réduire notre consommation d’énergie de 31 %. Cela équivaut à une diminution des émissions de GES de 5 181 tonnes de CO2/an. Ensuite on peut parler de la plantation de 1 000 arbres sur le site, 1 000 autres viendront d’ailleurs bientôt, et de la réfection majeure du stationnement intérieur incluant la mise en place d’un tout nouveau système électronique de paiement. Ouverture du café-resto L’Insolite, et encore beaucoup d’autres améliorations locatives, je pourrais continuer longtemps…

EMM : Mais revenons à la tour du stade. Nous savons que Desjardins en occupe maintenant la majeure partie, et que les autres étages disponibles pour accueillir des espaces à bureau ont aussi été loués à long terme par l’entreprise Sigma RH. Était-ce dans le plan d’affaires du gouvernement de convertir la tour en espaces à bureau?

ML : Oui et non. En fait, la tour demandait des rénovations majeures, il fallait absolument la mettre à niveau. Son état, il faut l’avouer, était lamentable. Quand nous avons annoncé sa réfection, nous avons eu un appel d’intérêt pour un locataire qui cherchait à relocaliser des milliers d’employés, mais on ne savait pas qui. Alors que les discussions devenaient de plus en plus sérieuses, nous avons appris que l’intéressé, c’était finalement le Mouvement Desjardins. Comme Desjardins était prêt à investir pour offrir un environnement de grande qualité à ses employés, on a saisi l’occasion pour faire un formidable projet avec eux, et effectivement les espaces dans la tour sont magnifiques aujourd’hui. Ensuite Sigma RH, avec la même philosophie, s’est installée dans les étages supérieurs, comblant les espaces à bureau encore possibles.

EMM : Avec la location de la tour, la multiplication des événements, un centre sportif qui va bien, un stationnement intérieur optimisé, moins de frais d’énergie, etc., est-ce que le Parc olympique est aujourd’hui rentable financièrement?

ML : Il y a plus de rentrées d’argent c’est certain, mais les installations olympiques ne doivent pas être perçues comme une possibilité de rendement. Je ne pense pas que ce serait un objectif réaliste, et ce n’est pas non plus son rôle aux yeux du gouvernement québécois. Par contre, bien sûr qu’une saine gestion s’impose et qu’il faut optimiser les revenus et contrôler les dépenses. Le mandat du Parc olympique, c’est d’offrir un site unique, d’envergure et surtout de qualité pour la population, pour Montréal, pour les promoteurs d’événements, pour la culture, pour le divertissement, comme on en retrouve dans la plupart des grandes métropoles, et ce genre de site est toujours en partie dépendant des deniers publics.

EMM : L’entrée au Parc olympique, via Pierre-De Coubertin, fait l’objet d’une transformation extraordinaire, les travaux étant en cours depuis plusieurs mois déjà. Qu’adviendra-t-il de ce grand chantier une fois terminé?

ML : Ça va rendre le site vraiment plus accueillant, plus ouvert sur les installations olympiques. Toute la rue Pierre-De Coubertin, en fait, sera beaucoup plus belle, lumineuse, même plus sécuritaire avec de larges trottoirs. Ce sont de très gros travaux de voirie il faut le dire et ce n’est pas très jojo pour les résidents depuis plusieurs mois déjà, mais là ils voient ce que c’est en train de devenir et je pense que tout ça est bien accueilli maintenant. Ce projet est selon moi un exemple de concertation et de coordination réussies, au sens où plusieurs chantiers et acteurs ont travaillé ensemble, dans un calendrier commun, pour effectuer des travaux d’envergure. Nous avons refait l’aménagement des entrées, la STM effectue ses travaux de réfection des deux stations de métro adjacentes, il y a les travaux du SRB Pie-IX, et la Ville de Montréal que refait entièrement la rue. De grands travaux, de grands chantiers qui prennent du temps, mais tout sera fait en même temps et pour longtemps, c’est l’objectif.

EMM : Quels sont les projets à venir pour le Parc olympique?

ML :  Bien sûr il y a le toit à remplacer dans les prochaines années, ce sera définitivement l’investissement majeur. Le développement du volet événementiel est toujours un objectif prioritaire et récurrent, incontournable. Et il y a plein de projets en parallèle. Par exemple, on se penche en ce moment sur la réhabilitation des locaux qui servaient jusqu’à tout récemment au regroupement Loisir et Sport du Québec (les fédérations sportives, entre autres). Un grand espace à fort potentiel selon moi. Il y a l’idée d’en faire un incubateur d’organismes sociocommunautaires où il pourrait y avoir une mutualisation des loyers, par exemple. Il y a nos anciens espaces administratifs, sous la dalle près du métro Pie-IX, qui pourraient peut-être accueillir des commerces et des services de proximités, on regarde ça… Je pourrais également parler du projet que l’on appelle la « percée Morgan », qui serait de prolonger le corridor de l’avenue Morgan au-delà du marché Maisonneuve jusqu’au stade. Du projet de prolongement de la rue Pierre-De Coubertin vers l’est, présentement bloquée à Viau. On pourrait discuter d’un potentiel pour un camping urbain pour motorisés en période estivale… pourquoi pas? Bref, il y a beaucoup d’idées et de projets en ébullition en ce moment au sein de l’équipe.

EMM : Comment voyez-vous l’avenir de l’est de Montréal, et quel rôle peut jouer le Parc olympique sur le territoire?

ML : Le potentiel de l’est de Montréal est hallucinant. Ça fait longtemps que je connais le secteur, et j’ai toujours la même certitude : c’est un territoire qui gagne à être connu et qui offre mille possibilités de développement. Il y a des quartiers magnifiques mais méconnus. Comme Viauville par exemple avec ses façades en pierre. Les idées de grandeur des frères Dufresne, aussi, qui voulaient faire de Maisonneuve la « City Beautiful » du Canada, qui ont conçu des bâtiments exceptionnels comme le marché Maisonneuve, l’hôtel de ville, le Château Dufresne, etc. Il y a le quartier Cité Jardin dans Rosemont, unique à Montréal! L’est de Montréal regorge d’histoire et de richesses et il ne faut pas hésiter à les faire rayonner. Ensuite, il y a du terrain en masse dans l’est, tellement précieux en milieu urbain. Il faut décontaminer ces terrains, développer le territoire, le densifier. Il faut améliorer le réseau de transport collectif, c’est une évidence. Il faut intégrer des espaces verts. Développer ne veut pas nécessairement dire bétonner, au contraire. Quant au rôle du Parc olympique dans son environnement, je pense qu’il a toujours eu un impact de premier plan dans la communauté de l’est de Montréal. Nous participons à plusieurs tables de quartier, à des comités, on s’implique dans la chambre de commerce, on collabore toujours de près avec les arrondissements de l’est et nous avons toujours le souci de répondre, dans la mesure du possible, aux besoins de la population qui nous entoure. Ça fait partie de notre mission depuis les tout débuts, et c’est, d’après ma perception, encore plus vrai aujourd’hui.


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