François Croteau, maire de l’arrondissement de RPP (photo : EMM).

UN CAFÉ AVEC… FRANÇOIS CROTEAU

Depuis l’arrivée du nouveau coronavirus, les journées sont définitivement chargées pour nos politiciens. Ceux-ci tentent pour le mieux de subvenir aux besoins de la population, bien sûr, tout en conciliant le travail et la famille dans bien des cas. Comment pouvons-nous poursuivre notre mission politique, lorsque le monde entier connaît une crise sans précédent ? Pour en jaser, EST MÉDIA Montréal a pris un café (virtuel) avec le maire de l’arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie, François Croteau, le 10 septembre dernier.

EST MÉDIA Montréal : Vous êtes maire de l’arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie depuis 2009… Onze ans, ça fait un bout tout de même ! On peut dire que les citoyens de votre arrondissement vous apprécient…

François Croteau : (rires gênés) Oui, ça fait longtemps. Merci.

EMM : Quelle est la clé de ce succès selon vous ?

FC : Il faudrait peut-être poser la question aux électeurs! (rires) Depuis mes premiers pas en politique, j’ai toujours géré l’arrondissement comme si c’était mon seul mandat pour réaliser des choses. Je le prends comme un privilège. Je suis un citoyen qui a la chance de contribuer à l’amélioration de son quartier. Chaque jour constitue pour moi une chance unique de faire avancer des projets auxquels je crois, mais aussi, qui contribuent au bien-être de l’ensemble de la population. Je ne le fais pas pour une carrière politique, mais plutôt par gratitude. Je profite de mes quatre ans pour essayer de réaliser des projets qui vont aider l’arrondissement à tous les niveaux, et ensuite, je me croise les doigts en espérant que les citoyens ont apprécié mes démarches.

EMM : Quels sont les principaux défis auxquels vous avez dû faire face pendant ces onze dernières années ?

FC : Pour réaliser des changements, il faut souvent arriver à changer la culture organisationnelle afin de rendre plus fluides les processus de prises de décision et de contrôle. Il faut trouver des moyens pour être en mesure de transformer l’environnement. Cela demande aussi une adhésion de l’organisation, pas seulement de la population, pour être en mesure d’arriver avec des projets qui respectent les objectifs prévus. Il faut une mobilisation des employés, plus d’heures au bureau, les deux mains dans les papiers plutôt que d’être sur le terrain à rencontrer les citoyens… Ça demande beaucoup de sacrifices. Aussi, un autre grand défi est d’avoir à composer avec la pression de notre métier. Nous avons peu de marge de manœuvre, et cela cause parfois beaucoup de stress, ce qui impacte notre vie personnelle. Il faut arriver à trouver un juste équilibre, ce qui n’est pas toujours facile. Nous devons être disponibles 24 heures sur 24. Nous sommes au service de la population et les gens s’attendent à ce que nous soyons là, à tout moment, lorsqu’il se passe quelque chose. Mais, ce n’est rien comparativement à tout le bonheur que ces fonctions apportent.

EMM : Est-ce que des citoyens osent vous critiquer parfois sur la rue ou à l’épicerie ?

FC : En onze ans, cela ne m’est jamais arrivé. Les citoyens sont très respectueux. Plusieurs personnes m’ont déjà approché pour me dire merci, mais jamais quelqu’un n’est venu à ma rencontre pour me critiquer ouvertement. Bien évidemment, je reçois des critiques parfois par courriel ou via Facebook, mais pas en personne. De façon générale au Québec, je pense que les citoyens ont tendance à être respectueux lorsqu’ils abordent leurs élus.

EMM : À quoi ça ressemble, être maire d’un arrondissement, en temps de pandémie ?

FC : Ouf! (rires) Premièrement, ça amène à changer ses méthodes de travail. Souvent, les prises de décision se font dans le cadre de rencontres ou de discussions entre collègues. Et puis, soudainement, ces rencontres n’existent plus, sauf via Zoom ou Google Meet, ce qui rend plus difficile les échanges. Deuxièmement, on avait planifié une saison complète de projets et de travaux, accompagnés des budgets dédiés à ces projets. Soudainement, la pandémie bouleverse l’ensemble des opérations. Une administration publique, ça prévoit les travaux un an à l’avance. Lorsque l’on doit changer complètement de direction, c’est un gros paquebot que l’on doit faire tourner à 180 degrés, et ça ne se fait pas en claquant les doigts. Nous avions à livrer nos projets et nos services aux citoyens, comme si nous étions en temps normal, car ils ont le droit de continuer à les recevoir. D’autre part, il fallait aussi travailler sur des solutions pour faire face à la pandémie, que cela soit en matière d’accompagnement, d’aide aux plus démunis, d’appuis aux commerçants, etc. Du jour au lendemain, les tâches ont doublé. Les employés qui oeuvrent à rendre les services aux citoyens ont énormément travaillé pendant la crise. Indirectement ou directement, nous étions sollicités sans arrêt.

Le maire de RPP se déplace généralement à vélo, « autant que possible » dit-il. (Photo : gracieuseté).

EMM : Qu’avez-vous fait concrètement pour aider les commerçants dans l’arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie ?

FC : Dans l’arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie, notre pouvoir d’aide financière pour les commerçants est assez limité. Par contre, nous avions plusieurs chantiers de construction qui étaient prévus dans le quartier. Rapidement, nous avons créé une table de travail avec les représentants de toutes les associations commerciales pour nous assurer de transférer les bonnes informations et de coordonner avec eux les problématiques qui pouvaient survenir en lien avec les chantiers. Tout cela, dans le seul but d’assurer la vitalité commerciale. Pour les cafés, bars et restaurants, nous avons autorisé dès le départ l’installation des terrasses. En plein coeur de la crise, ce n’était pas le temps de faire des chichis avec l’administration. Après coup, on leur a demandé de déposer une demande officielle, mais on a annulé tous les frais. Nous avons mis aussi une personne à temps plein pour accompagner nos commerçants pendant la crise.

EMM : Comment vivez-vous avec le fait que la mairesse Valérie Plante est très critiquée actuellement dans les médias ?

FC : Ça fait partie du travail. On est là pour rendre des comptes à la population. On fait de notre mieux, mais il faut aussi écouter les gens. Avant la pandémie, ces projets-là étaient prévus depuis longtemps et bien accueillis. Je pense que le contexte de la COVID-19, selon moi, a changé beaucoup la perception et l’état d’esprit de plusieurs citoyens. L’exaspération de la population, ajoutée aux travaux, puis aux différents projets qui étaient déjà prévus, ça a probablement été un peu trop. C’est la première fois à Montréal depuis la grippe espagnole que l’on doit gérer une crise de la sorte. Somme toute, je suis très fier de la gestion de notre administration face à la crise. D’un côté, plusieurs personnes trouvent qu’il y a eu trop de travaux cet été, mais, d’un autre, les citoyens nous demandent de remettre en condition nos infrastructures qui en ont grandement besoin… Ce n’est vraiment pas évident comme contexte de prises de décision. Nous avons fait au meilleur de nos connaissances et nous prenons note de ce qu’une certaine partie de la population nous dit aujourd’hui.

EMM : La lutte contre les changements climatiques, c’est très important pour vous, non?

FC : Oui, c’est ma priorité, mais ça devrait être la priorité de tous les humains de s’assurer que nos enfants puissent vivre dans un environnement sain et qu’ils n’aient pas à subir plus tard les impacts environnementaux de notre quotidien. C’est ce qui me motive principalement en politique. Toute la question de la gouvernance pour moi est directement liée à notre capacité d’atteindre ces objectifs-là.

EMM : Quelles sont vos ambitions à long terme pour Rosemont-La Petite-Patrie ?

FC : Nous avons plusieurs projets qui seront bientôt annoncés. De plus, selon plusieurs experts, la pandémie de COVID-19 serait directement liée aux changements climatiques. Ce qui signifie que ça ne sera probablement pas la dernière. Il vaut mieux prévoir la chose. Nous nous trouvons à environ trois ans du point de non-retour concernant la hausse des températures. Il faut agir davantage sur notre capacité de résilience et d’adaptation comme communauté pour continuer à avoir une belle qualité de vie, pour nous, et les générations futures.