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BRÈVE HISTOIRE DES CAISSES POPULAIRES DE ROSEMONT–LA PETITE-PATRIE

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Pour beaucoup, l’histoire des caisses populaires est intimement liée à celle du Québec moderne. Le mouvement créé par Alphonse Desjardins est associé à des idées de solidarité francophone et d’émancipation des Québécois. Contrairement aux banques de l’époque, centralisées dans les grandes villes, les caisses populaires sont créées pour être près des communautés qu’elles desservent.

L’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie n’échappe pas au phénomène. Très tôt dans l’histoire des quartiers qui forment aujourd’hui l’arrondissement, des caisses populaires y apparaissent et y connaissent une grande prospérité.

Plongeons dans la grande histoire des caisses populaires de Rosemont–La Petite-Patrie et explorons comment elles ont évolué en plus d’un siècle d’existence.

PARTIE 1 : À CHAQUE PAROISSE SA CAISSE

Il est intéressant de noter que le mouvement des caisses Desjardins est né quelques années à peine avant la fondation du quartier Rosemont. La première caisse est fondée par Alphonse Desjardins à Lévis, en 1897, et débute ses activités en 1901. Le quartier Rosemont, quant à lui, apparait en 1904, dans la même foulée que les ateliers Angus.

À l’époque, le quartier Rosemont, comme la majeure partie du territoire québécois, est organisé en paroisses catholiques. Les caisses populaires s’intègrent à cette réalité. Une grande partie des caisses sont directement reliées aux activités paroissiales et apparaissent dans les sous-sols des églises pour desservir les citoyens habitant dans ces paroisses. Les élites locales et les notables de ces paroisses, comme les commerçants, les médecins, les notaires, les avocats ou les cultivateurs, s’impliquent dans leur fondation.

Comme les caisses sont ouvertes dans les sous-sols d’églises et sont reliées à la paroisse, un curé figure généralement parmi le conseil d’administration. Plusieurs à l’époque prétendent d’ailleurs que l’église a un peu trop d’influence dans leur administration. Dans sa publication officielle, en 1936, Desjardins tente de démentir cette réputation par le biais d’un éditorial :

« Les caisses populaires sont dominées au point de vue financier par les curés et comme les curés, règle générale, ne sont pas des financiers, c’est une organisation qui ne peut pas marcher. » C’est là l’argument employé par quelques ennemis des caisses. Est-ce bien vrai que les caisses sont dominées par les curés?

Conseil d’administration de la Caisse populaire de Sainte-Gemma, date inconnue. On remarque la présence du curé au milieu de la première rangée, portant le col romain.

On estime qu’il y a eu en tout seize paroisses catholiques francophones dans le quartier Rosemont et huit dans le quartier La Petite-Patrie, pour un total de 24. Logiquement, le nombre de caisses populaires ayant existé dans le quartier Rosemont est d’un nombre similaire. En effet, en 1998, la Société d’histoire de Rosemont-Petite-Patrie avait recensé 19 caisses ou anciennes caisses pour tout l’arrondissement.

Dans Rosemont, on en dénombre ainsi pour les paroisses de Saint-François-Solano, Saint-Marc, Sainte-Bernadette, Notre-Dame-du-Foyer, Saint-Jean-Vianney, Saint-Esprit-de-Rosemont (anciennement Sainte-Philomène), Sainte-Gemma, Saint-Albert-le-Grand, Saint-Eugène, Sainte-Bibiane, Saint-Bonaventure et Saint-Émile.

Dans La Petite-Patrie, on trouve des caisses ayant été associées aux paroisses de Saint-Jean-Berchmans, Saint-Étienne, Saint-Jean-de-la-Croix, Saint-Arsène, Saint-Ambroise, Saint-Édouard et Saint-Philippe.

Entrée de la Caisse populaire de Saint-Édouard, à même l’église.

Caisse populaire de Sainte-Philomène

Bien que la paroisse de Sainte-Philomène (qui deviendra plus tard la paroisse de Saint-Esprit) soit la plus vieille du quartier Rosemont, elle tarde à accueillir une caisse populaire. Plusieurs paroisses avoisinantes, dont Saint-François-Solano, Saint-Marc, Sainte-Bernadette, Notre-Dame-du-Foyer et Saint-Jean-Vianney, ouvrent une caisse populaire avant Sainte-Philomène.

L’apparition tardive d’une caisse pour Sainte-Philomène s’explique peut-être par la présence de nombreuses banques sur la rue Masson, dont une succursale de la Banque d’épargne à l’angle de la 7e avenue qui offre des services similaires à ceux d’une caisse populaire.

La Caisse populaire de Sainte-Philomène ouvrira finalement ses portes le jeudi 11 mars 1948. Elle s’installe au 5465, 5ee avenue, au sous-sol de l’église Sainte-Philomène, dans la partie arrière du presbytère. Notons que ce sous-sol est aujourd’hui occupé, en partie, pas la Société d’histoire de Rosemont-Petite-Patrie! La caisse y restera quinze ans.

Il est intéressant de noter les premiers membres du conseil d’administration, dont on indique le métier. Plusieurs ouvriers en font partie. On y retrouve comme président Albert Doutre, gérant à la Ferronnerie Eugène Bélanger (devenue la quincaillerie Rona Bélanger); nous y trouvons également un commis de cette ferronnerie. Parmi les autres membres du conseil d’administration, nous avons un photographe, un commis à l’Hôtel de ville, un ferblantier, un commis des Usines Angus, un marchand de meubles (Labelle), le propriétaire de Transport Ayotte, sans oublier l’aumônier. Le conseiller juridique n’est nul autre que le futur maire Jean Drapeau, travaillant à l’époque comme avocat; notons que son père, Joseph-Napoléon Drapeau, était alors conseiller municipal de Rosemont. On retrouve à la commission de crédit le notaire Guillet, un menuisier des Usines Angus et un courtier en immeubles. Parmi les quatre employés, une seule caissière, deux commis et un comptable. Malheureusement, les autres rapports annuels de la caisse n’indiquent plus le métier de ses administrateurs.

Conseil d’administration de la Caisse populaire de Sainte-Philomène en 1954.

Les assemblées générales

Témoignant de la vertu démocratique et coopérative des caisses populaires, les assemblées générales sont tenues chaque année, pour chaque établissement. Durant ces rencontres, le conseil d’administration présente aux membres les faits saillants et les résultats financiers de l’année précédente, et fait voter les sociétaires sur les règlements et les orientations de la caisse, de même que sur l’élection des membres du nouveau conseil d’administration.

Certaines assemblées sont d’ailleurs très populaires. En 1970, par exemple, le Journal de Rosemont écrit que l’assemblée générale de la Caisse populaire de Saint-Jean-Berchmans, tenue le dimanche 22 février, a attiré plus de 900 sociétaires. Le chiffre dépasse celui de l’année d’avant, où l’on avait accueilli plus 850 membres. L’événement a lieu au Centre Père-Marquette, rue de Drucourt.

Bien que les assemblées soient tenues pour discuter des activités de la caisse, il semble arriver que l’ordre du jour dévie de ces thèmes. En effet, comme il s’agit d’une réunion de plusieurs personnes résidant dans la paroisse, d’autres sujets y sont parfois discutés.

Dans Le Devoir du mardi 28 janvier 1947, par exemple, on raconte que lors de l’assemblée générale de la Caisse populaire de Saint-Marc, tenue le 19 décembre 1946, les membres dénoncent la condamnation de l’archevêque de Zagreb (située à l’époque en Yougoslavie), Mgr Stepinac, à la suite d’un « procès fantoche où la justice a été bannie dès le principe ». On évoque la « défense de la civilisation chrétienne » et on revendique que le Canada, un pays de « principes de liberté et de justice », doit intervenir. En plus des journaux, la résolution est transmise aux politiciens de l’époque : le député fédéral de Maisonneuve-Rosemont, Sarto Fournier, le ministre des Affaires extérieures, Louis Saint-Laurent, ainsi que le premier ministre du Canada, William Lyon Mackenzie King.

PARTIE 2 : ON SORT DES SOUS-SOLS D’ÉGLISES

Vu la popularité croissante des caisses populaires et le nombre de clients augmentant sans cesse, les caisses commencent à se sentir à l’étroit dans les sous-sols d’églises. Dans les années 1960, elles commencent une à une à se trouver pignon sur rue.

Nous sommes dans les années de la Révolution tranquille, où les habitudes de vie et de consommation des Québécois changent rapidement; il est donc logique que l’établissement où la plupart placent leur argent suive cette tendance.

Sainte-Philomène devient Saint-Esprit-de-Rosemont

Caisse populaire de Sainte-Philomène, à son ouverture en octobre 1963.

En 1963, la Caisse populaire de Sainte-Philomène quitte le sous-sol de son église et se déplace au 2672, rue Masson, entre la 2e et la 3e avenue (local maintenant occupé par le restaurant Canada Hot Dog).

Le 28 décembre 1968, l’établissement change de nom pour devenir la Caisse populaire de Saint-Esprit-de-Rosemont. Une annonce à cet effet est publiée dans le Journal de Rosemont du 15 janvier 1969. Ce changement de nom fait suite à celui de la paroisse, opéré en 1961.

Deux mois plus tard, en février 1969, les membres votent pour un changement d’adresse de la caisse. Il s’agit d’une décision importante, puisque ce déménagement ne consiste pas en un simple déplacement vers un nouveau local. On choisit plutôt d’approuver l’achat d’un terrain et la construction d’un nouvel immeuble pour la caisse, de l’autre côté de la rue. Le terrain accueillait auparavant une caserne de pompiers, construite en 1909-1910 et fermée depuis 1965.

Les travaux débutent en septembre 1969, soulignés par une cérémonie officielle. La première pelletée de terre est ainsi faite en grande pompe. On peut même admirer la maquette de la future caisse dans la devanture de la Ferronnerie Bélanger. Puis, le jour de la coupure de ruban, un défilé de majorettes accompagne les responsables de la caisse devant une foule présente pour souligner l’événement.

La nouvelle Caisse populaire de Saint-Esprit-de-Rosemont ouvre ses portes en mars 1970, au 2685 rue Masson, à l’angle de la 3e avenue. La construction, plus imposante, est un reflet de l’heure. Le nombre de guichets passe de quatre à huit, et les bureaux à l’étage sont loués, ajoutant un revenu supplémentaire pour la caisse.

Caisse populaire de Saint-Esprit-de-Rosemont, sur Masson, à l’angle de la 3e avenue.

La Caisse populaire de Sainte-Gemma dans un bas de duplex, rue Holt, en 1961.

En avril 1970, la caisse s’adonne à une activité promotionnelle assez cocasse : pour promouvoir l’ouverture de son nouveau local, on distribue des sacs de chips gratuitement aux passants. Le Journal de Rosemont du 15 avril raconte que plusieurs groupes de jeunes sont attroupés devant les portes de la caisse pour profiter de cette promotion, créant un achalandage tellement imposant que des agents de sécurité doivent maintenir la discipline parmi la foule.

L’immeuble continuera d’accueillir un local de la caisse jusqu’en 2009, puis sera remplacé par un nouvel immeuble plus moderne, occupé par une succursale de la SAQ au rez-de-chaussée et des condos aux étages. Notons qu’un guichet Desjardins s’y trouve toujours, occupant l’adresse 2695.

Certaines caisses, plus modestes, n’occupent pas nécessairement des locaux de la même envergure. C’est le cas de la Caisse populaire de Sainte-Gemma, dont le premier local est situé au rez-de-chaussée d’un duplex. Elle sera d’ailleurs absorbée par celle de Saint-Esprit-de-Rosemont le 21 mars 1984. L’avis est signé par Jacques Parizeau, à l’époque ministre des Finances.

La Caisse populaire de Saint-François-Solano

La Caisse populaire de Saint-François-Solano est l’une des plus vieilles du quartier. Des sources divergent quant à sa date de fondation. La revue Desjardins de 1961 souligne le 25e anniversaire de la caisse et affirme qu’elle aurait été fondée le 16 mars 1936. Pourtant, l’édition de mars 1958 de la même publication affirme que la Caisse populaire de Saint-François-Solano est devenue membre du Bureau central d’inspection et de surveillance des Caisses populaires de Montréal en janvier 1921, donc avant 1936. Quelle est donc la date réelle?

La réponse semble provenir d’un article du Devoir du 20 mai 1919, où l’on rapporte que la Caisse populaire de Saint-François-Solano a été fondée deux jours plus tôt, soit le dimanche 18 mai 1919, à la suite d’une rencontre présidée par l’abbé Eugène Hébert. Dans l’article, on raconte que durant la rencontre avec les paroissiens de Saint-François-Solano, l’abbé Hébert explique « le but de la caisse populaire, son fonctionnement, les garanties qu’elle présente et l’avenir qu’elle nous réserve ».

On trouve dans l’article une définition intéressante des caisses populaires, telles que perçues à l’époque, notamment sur la question de la solidarité canadienne-française :

La caisse populaire est avant tout une école d’économie qui enseigne à ses membres le goût et la pratique constante de l’épargne. L’épargne est la providence du pauvre. Non seulement elle le protège contre les dangers du crédit, elle l’invite encore à mettre de côté pendant les jours de santé et de plein travail une petite réserve en vue des mauvais jours et de la vieillesse. Grâce à la pratique de l’épargne, tout homme peut s’assurer une modeste aisance et vivre convenablement. La caisse populaire est en plus une coopération d’épargnes ayant pour objet l’aide mutuelle des membres par des prêts productifs et des achats en commun. Enfin la caisse populaire est un des plus efficaces moyens de fortifier l’armature de la race et de proposer son indépendance économique. La caisse populaire mérite donc l’encouragement de tous ceux que préoccupent les questions nationales et religieuses.

À l’issue de l’exposé de l’abbé Hébert, les paroissiens de Saint-François-Solano décident à l’unanimité de fonder une caisse populaire. Le premier conseil d’administration est composé de MM. Alex. Champagne, curé, président; J.-O. Paiement, vice-président; E. Marion, gérant; J. Jeannette et I.-A. Lapalme, conseillers. La commission de crédit est composée de : N. David, président; O. Bélanger et L. Loyer. Le comité de surveillance, quant à lui, est composé de : l’abbé E. Gaudry, O. Bélanger, fils et I. Lefebvre.

Le 20 janvier 1942, le coffre-fort de la caisse est braqué! Le gérant J.-P. Renaud déclare à la police que 125 dollars ont été volés.

Plus tard, la caisse sort du sous-sol de l’église et s’établit dans un grand local en face, au 3777, rue Dandurand, dans les années 1950. Dans le journal La Patrie du 18 novembre 1953, on raconte que le changement de zonage pour le terrain où sera construit la caisse fait l’objet de désaccords. En effet, le changement a été approuvé par la Commission municipale d’urbanisme, mais désapprouvé par le chef du Contentieux municipal, Me Claude Choquette, qui estime qu’un tel changement ne sert pas l’intérêt public. Il semble que cette opposition n’ait pas empêché le nouveau local de se construire.

La Caisse populaire de Saint-François-Solano en 1965.

Dans les années qui suivent, la caisse prend rapidement de l’expansion. Le 22 juin 1964, le secrétaire du Québec (ancien titre devenu aujourd’hui le greffier de l’Assemblée nationale), Bona Arsenault, lui accorde le droit d’accueillir des clients vivant à l’extérieur des limites de la paroisse.

« Avis est donné que l’honorable secrétaire de la province a approuvé que le territoire dans lequel « La Caisse populaire de St-François-Solano » peut recruter ses membres soit étendu des limites de la paroisse de St-François-Solano à celles de la ville de Montréal », signera le sous-secrétaire adjoint du Québec, Lucien Darveau.

La Caisse populaire de Saint-François-Solano en 1970.

En 1972, lors de l’ouverture d’un nouveau magasin à grande surface Cooprix, au 3600, boulevard Saint-Joseph Est (devenu aujourd’hui un Métro Plus), on annonce que la Caisse populaire de Saint-François-Solano y occupera un guichet.

Puis, le 31 octobre 1983, la petite Caisse populaire de Sainte-Bibiane, située au coin Saint-Michel et Dandurand (aujourd’hui s’y trouve un commerce de fenêtres) et ouverte en 1962, est fusionnée à la Caisse populaire Saint-François-Solano, plus grande et située à quelques rues à l’est. Il faut dire aussi que la promenade Masson et la Caisse populaire de Saint-Esprit ne sont pas situées très loin.

Personnel de la Caisse populaire de Sainte-Bibiane en 1968.

PARTIE 3 : L’ÈRE DES FUSIONS

Dans les années 1990, le Mouvement Desjardins est en grande forme et grossit par le biais de plusieurs acquisitions. En 1997, un rapport de l’Association des caisses populaires du secteur de l’est de Montréal indique que les caisses de l’est de l’île regroupent plus de 350 000 membres.

Toutefois, compte tenu du contexte changeant et de l’apparition du numérique, des fusions apparaissent à l’horizon.

« À l’heure où les défis s’annoncent si nombreux et où les caisses, par secteur, opèrent des changements qui s’avèrent de plus en plus stratégiques, les gens de notre association ont, en quelque sorte, montré la voie », écrit le président du Mouvement Desjardins Claude Béland en 1997.

Évolution de la bannière de la succursale Desjardins située au coin de Saint-Michel et de Masson. Les images ont été prises en 2011, 2014 et 2022, illustrant les multiples fusions au fil des années.

Au congrès de 1999, les membres du Mouvement optent pour la fusion de la Confédération et des fédérations en une organisation unique. S’ensuit une série de projets de fusions locales, qui sont proposés aux membres lors des assemblées générales et sont adoptés par le biais d’un vote.

Il est difficile de retracer la gymnastique exacte de toutes les fusions qui s’opèrent dans le territoire de Rosemont–La Petite-Patrie tant elles sont nombreuses et fréquentes. Une consultation des rapports annuels de la Régie de l’assurance-dépôt du Québec permet néanmoins d’en saisir certaines tendances.

La caisse du Vieux-Rosemont

L’une des plus importantes fusions dans le quartier a lieu le 1er septembre 1999. La Caisse populaire de Saint-Esprit-de-Rosemont, qui avait déjà absorbée par la Caisse populaire de Sainte-Gemma, est fusionnée avec celle de Saint-François-Solano, qui avait absorbé celle de Sainte-Bibiane.

Le résultat de cette fusion est appelé la Caisse Desjardins du Vieux-Rosemont. Son siège social sera situé à l’emplacement de l’ancienne Caisse populaire de Saint-François-Solano, rue Dandurand. Cette caisse ne fera pas long feu, étant absorbée par la Caisse populaire De Lorimier en 2003. Les activités de la caisse déménagent en même temps dans l’ancien magasin Légaré, situé à l’angle de Saint-Michel et Masson. La défunte Caisse populaire de Saint-François-Solano a depuis été remplacée par un immeuble à condos, l’emplacement ayant retrouvé un zonage résidentiel.

Désormais deux caisses

La Caisse populaire De Lorimier illustre bien les multiples acrobaties qui sont effectuées lors des fusions. Après avoir absorbé la Caisse populaire du Vieux-Rosemont, elle fusionne avec celle de Villeray en 2012 pour devenir la Caisse populaire De-Lorimier-Villeray, puis avec la Caisse populaire de Préfontaine-Hochelaga en 2017 pour finalement devenir la Caisse populaire du Cœur-de-l’Île. Notons que l’emplacement original de la Caisse populaire De Lorimier, à l’angle du boulevard Rosemont, ferme ses portes le 12 juillet 2019.

La plupart des caisses populaires de l’arrondissement seront ainsi fusionnées en 2017 sous la caisse du Cœur-de-l’île, dont le territoire s’étend au-delà de l’arrondissement. Son siège social est situé au nord du quartier La Petite-Patrie, à l’angle de Bélanger et de Christophe-Colomb, site de l’ancienne Caisse populaire de Saint-Arsène.

La Caisse populaire de Sainte-Arsène (1968), devenue le siège social de la Caisse populaire du Cœur-de-l’Île.

Une plus petite caisse subsiste dans l’arrondissement, celle de Rosemont–La Petite-Patrie. Son siège social est situé à l’emplacement de l’ancienne Caisse populaire de Saint-Marc, rue Beaubien, à l’angle de la 1re avenue.

La caisse populaire de Rosemont–La Petite-Patrie absorbe en 2018 celle de Jean-Talon-Papineau, dont une partie du territoire se situe pourtant à l’extérieur de l’arrondissement. En plus du siège social, on trouve un centre de services dans les locaux des anciennes caisses Sainte-Ambroise et Saint-Mathieu.

Caisse populaire de Saint-Marc (date inconnue), devenue le siège social de la Caisse populaire de Rosemont–La Petite-Patrie.

En date de 2023, il ne reste donc plus que deux caisses dans l’arrondissement : Cœur-de-l’Île et Rosemont–La Petite-Patrie. La première compte plus de 69 000 membres, contre 28 931 pour la seconde.

PARTIE 4 : CAISSES OUVRIÈRES ET CAISSES CULTURELLES

Bien qu’il soit associé au Mouvement Desjardins, le concept des caisses populaires et des caisses d’économie n’y est pas exclusif. Plusieurs autres mouvements similaires, tant ouvriers que culturels, ont existé au Québec, notamment dans l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie.

Caisse d’économie d’Angus

La caisse d’économie d’Angus naît dans le contexte de la période de l’après-guerre, où les habitudes de consommation et d’endettement des particuliers changent. Elle est réservée aux employés des Ateliers Angus du Canadien Pacifique.

La caisse est ouverte en janvier 1949 par 12 employés de l’usine, qui ne connaissent rien au domaine bancaire. Ils y souscrivent chacun cinq dollars afin de se conformer à Loi québécoise sur les coopératives.

Le Canadien Pacifique accueille l’initiative avec enthousiasme et offre un local dans le sous-sol des bureaux administratifs du site, rue Rachel. Il fournit en outre à la caisse le téléphone, l’électricité et le chauffage. Le siège social déménagera dans les années 1960 à l’angle de Dickson et Sherbrooke.

L’aventure durera en tout 43 ans, jusqu’à la fermeture des usines en 1992, et sera soutenue par l’apport de nombreux bénévoles. En 2002, cette caisse fusionnera avec la caisse d’économie des employés de Molson et la caisse d’économie Alpha pour devenir la caisse d’économie Desjardins des employés du secteur industriel (Montréal).

Caisse d’économie des Pompiers de Montréal

On peut remarquer, au coin du boulevard Saint-Joseph et de la Place Chassé, la caisse d’économie des Pompiers de Montréal, associée à la caisse du Réseau municipal.

Cette caisse, ouverte en 1945, est destinée aux pompiers de la Ville, comme son nom l’indique. Elle a été fondée par les frères Rémillard : Albert est trésorier de l’Association des Pompiers de Montréal, tandis qu’Achille est fonctionnaire pour la Ville.

En 1979, elle est affiliée au Mouvement Desjardins. Puis, en 2004, elle fusionne avec la caisse des employés municipaux pour devenir la caisse d’économie des pompiers, des cols bleus et des cols blancs, avant de changer de nom en 2009 pour devenir la caisse du Réseau municipal. Les locaux du boulevard Saint-Joseph abritent son siège social.

Caisse populaire ukrainienne de Montréal

Formant une communauté historiquement symbolique dans le quartier Rosemont, les Ukrainiens créent eux aussi des coopératives financières. Ces établissements ne revendiquent aucune affiliation avec le Mouvement Desjardins, mais s’inspirent plutôt d’institutions bancaires coopératives similaires créées dans les années 1890 en Ukraine.

La première caisse populaire ukrainienne, la caisse Mapeza, est fondée en 1926. Il faudra toutefois attendre jusqu’à 1940 avant qu’elle n’ouvre les portes à ses membres. Elle referme en 1941 et rouvre en 1955. Comme pour les caisses Desjardins, elle occupe un local au sous-sol de l’église ukrainienne orthodoxe Sainte-Sophie, à l’angle de Saint-Michel et Bellechasse. Elle fusionnera avec la caisse d’économie ukrainienne en 2003 et sera du même coup absorbée par le Mouvement Desjardins pour créer la caisse d’économie Desjardins ukrainienne de Montréal.

Deux and plus tard, toutes les coopératives ukrainiennes fusionnent sous une seule entité, la Caisse populaire Desjardins ukrainienne de Montréal. Son siège social est établi à l’angle du boulevard Saint-Michel et de la rue Beaubien, en plein cœur du quartier ukrainien et à quelques pas de l’église Sainte-Sophie.

Caisse populaire canadienne italienne

À l’instar des caisses populaires ukrainiennes, des gens d’affaires de Montréal et d’Italie créent dans les années 1970 la Fiducie canadienne italienne, qui vise à desservir la communauté italienne de Montréal et à lui donner accès à l’épargne. La fiducie ouvre ses portes au 6999, boulevard Saint-Laurent, en plein cœur de la Petite-Italie.

Les fondateurs de la fiducie s’inspirent des pratiques et de la philosophie d’Alphonse Desjardins en créant un mouvement de solidarité pour la communauté italo-canadienne. Les clients peuvent se faire servir dans leur langue maternelle. Les succursales de la fiducie sont situées tout près des églises fréquentées par la communauté.

En 1997, les intérêts de la fiducie sont absorbés par le Mouvement Desjardins, pour devenir la Caisse populaire canadienne italienne. On trouve plusieurs centres de services à différents endroits, mais le siège social conserve le même emplacement d’origine, sur le boulevard Saint-Laurent.


Ce texte de la Série Desjardins Histoire et Patrimoine de l’est III a été rendu possible grâce à la contribution financière de la Caisse Desjardins du Cœur-de-l’Île.
Recherche et rédaction : Alexis Vailles, membre de la  Société d’histoire Rosemont-Petite-Patrie, en collaboration avec Christiane Gouin.