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BOURGET : MAKA KOTTO GARDE LE FORT

Si le Parti Québécois doit lutter âprement ces jours-ci pour conserver ses circonscriptions de l’Est de Montréal, il semble que Bourget fait figure d’exception en résistant de belle façon aux assauts caquistes et solidaires. Selon le site Québec 125, le comté serait donc encore une valeur sûre pour l’équipe de Lisée qui, en date du 24 septembre, récolterait possiblement 33,6 % des voix dans Bourget, suivi par la CAQ (25 %) et QS (18,4 %). Ces deux dernières formations sont toutefois en nette progression comparativement aux résultats de 2014 alors que la CAQ avait recueilli 19,64 % des voix, et QS, avec leur « chef » Gaétan Châteauneuf, en récoltait 11,2 %.

Richard Campeau (CAQ) : l’efficacité avant tout

Rencontré le 4 septembre dernier, alors que les données analysées par Québec 125 le mettaient en avance (les sondages locaux de Mainstreet n’étaient pas encore effectués), le candidat caquiste Richard Campeau arborait une belle confiance de représenter bientôt son comté de résidence à l’Assemblée nationale, lui qui avait porté les couleurs de son parti lors des deux dernières élections dans la circonscription d’Anjou-Louis-Riel où la ministre libérale Lise Thériault règne en maître. L’ingénieur en chimie, spécialiste du secteur des pâtes et papiers, mène selon lui une campagne plus active sur le terrain cette année en faisant notamment beaucoup de porte à porte et en participant à certains débats locaux et thématiques.

Richard Campeau, candidat de la Coalition Avenir Québec.

Qu’est-ce qui a attiré ce père de deux enfants et travailleur à l’international à se lancer dans l’arène politique, de surcroit pour la Coalition Avenir Québec? « Quand j’ai entendu le discours du chef François Legault, je me suis dit enfin, quelqu’un qui dit ce que je pense. Il rejoint mes valeurs dans la plupart des domaines et c’est pour ça que j’ai fait le saut », affirme M. Campeau. Son principal cheval de bataille, c’est de rendre la bureaucratie d’état beaucoup plus efficace : « Je crois que la fonction publique québécoise aurait avantage à s’inspirer plus du secteur privé dans plusieurs domaines. Il faut être honnête, la bureaucratie est souvent compliquée et décourageante au Québec, et cela nuit à notre développement et à notre prospérité. La CAQ est le seul parti qui ose aborder la question. » À ce sujet, M. Campeau réitère entre autres la volonté de son parti à diminuer la taille des commissions scolaires pour en faire plutôt des centres de services, notamment par attrition de postes, et à éliminer les élections scolaires : « Seulement 4 % des gens vont voter aux élections scolaires, est-ce que les commissaires ont vraiment la légitimité de les gouverner, et en ont-ils vraiment la compétence? La question se pose… », dit-il.

Lorsque l’on aborde la question de la santé économique du Québec, qui semble plus solide que jamais avec les milliards d’investissements annoncés par tous les partis, Richard Campeau est toutefois l’un des rares candidats à émettre des réserves à ce sujet. Il soutient que « les finances ne vont pas si bien quand on prend en considération que le Québec reçoit 11 milliards de dollars en péréquation et que nous sommes la province où le revenu disponible est le plus bas au Canada. Je trouve ça gênant. Il me semble que nous devrions être plus fiers que ça. » Quant à la situation de plein emploi, le candidat caquiste est d’avis que oui, les gens travaillent, mais les emplois payants ne sont pas assez nombreux selon lui. « Il faut réaliser qu’environ 40 % des gens ne paient pas d’impôt au Québec et que parmi eux beaucoup travaillent mais bénéficient d’un faible revenu. Si on veut changer la donne, ça va passer par l’éducation, la maternelle 4 ans pour tous, la réfection des écoles et par notre capacité de lutter contre le décrochage scolaire. Il faut aussi accentuer la diplomation post-secondaire et augmenter le nombre de finissants en formation professionnelle, surtout dans l’Est de Montréal dont le secteur industriel a grandement besoin de travailleurs spécialisés dans une foule de domaines », explique M. Campeau.

Concernant les enjeux locaux, le candidat affirme que dans l’ensemble c’est le plan national de la CAQ qui va faire progresser la qualité de vie des résidents de Bourget. « Je dit régulièrement que je ne veux pas faire de promesses sur des enjeux locaux. Je crois que ce qu’il faut défendre, c’est ce que nous proposons pour tous les Québécois et dont beaucoup d’engagements auront un impact majeur pour les résidents du comté. Je pense en particulier à nos propositions en santé, en éducation et en transport collectif, réaliser tout ça sera en soit une grande amélioration pour les gens du secteur », dit-il.

Mais cela n’empêche pas Richard Campeau de s’intéresser de près à certains problèmes spécifiques à l’Est de Montréal, dont le transport  : « Le tramway, la réfection de Notre-Dame et toutes les améliorations reliées à la mobilité annoncées par la CAQ et particulièrement Chantal Rouleau (mairesse de RDP-PAT et candidate caquiste dans Pointe-aux-Trembles) sont extrêmement importants pour les résidents de Bourget, bien sûr, mais pour l’Est de Montréal dans son ensemble qui est laissé pour compte depuis beaucoup trop longtemps par les libéraux », clame-t-il. Il ajoute que des efforts « concrets et rigoureux » doivent être mis de l’avant afin de diminuer l’écart « indécent » de l’espérance de vie dans l’Est qui est de neuf ans de moins que celui de l’Ouest montréalais. Finalement, M. Campeau aimerait que les instances gouvernementales s’entendent pour « acquérir et cibler des terrains à décontaminer dans l’Est, les traiter, les aménager et ensuite les revendre afin d’accélérer le développement du territoire. »

QS s’installe et progresse dans Bourget

Les solidaires étendent progressivement leurs tentacules dans l’Est de Montréal et ont comme objectif cette année de conquérir les bastions péquistes que sont Hochelaga-Maisonneuve et Rosemont, qu’ils travaillent activement depuis plusieurs années. Limitrophe à ces circonscriptions et possédant une population qui leur ressemble en partie, cette nappe orange glisse tranquillement mais sans surprise dans Bourget, et c’est pourquoi l’état-major du parti y a délégué une de ses têtes d’affiche en Marlène Lessard. Si l’ancienne attachée politique d’Amir Khadir et membre fondatrice de QS est en mission, c’est celle de construire avant tout de solides fondations pour le parti dans un comté qui pourrait bien dans un avenir rapproché basculer aux mains de Québec Solidaire. « C’est la première fois que nous avons un local électoral dans le comté, et c’est aussi la première fois que je fais campagne à plein temps comme candidate », explique Mme Lessard, qui s’était elle aussi présentée en 2012 et 2014 dans Anjou-Louis-Riel, contre notamment le caquiste… Richard Campeau.

Marlène Lessard, candidate de Québec Solidaire.

Bachelière en sociologie, maître en travail social et maman, Marlène Lessard est une femme dynamique et elle le démontre bien en étant très présente sur le terrain et aussi la plus active du comté sur les réseaux sociaux (elle a fait plusieurs vidéos qui ont eu un certain impact). Si Est Média Montréal l’a rencontré en entrevue (notre politique éditoriale est de confronter les deux principaux candidats en lutte dans les comtés de l’Est de Montréal dont le résultat est incertain), c’est qu’elle a été mandatée par son parti pour nous entretenir des engagements de Québec Solidaire pour l’ensemble de l’Est de Montréal, sujet d’un reportage à paraître ce vendredi. Toutefois, compte tenu de la progression constante et importante des solidaires dans Bourget depuis le début de la campagne, nous avons décidé de lui donner également l’occasion de s’exprimer sur les enjeux dans Bourget.

« Je pense qu’un des enjeux importants dans Bourget est d’amoindrir considérablement le nombre de voyages de poids lourds qui transitent vers le Port de Montréal. Il faut repenser la mobilité via les grands axes comme la 25, Notre-Dame, Hochelaga, et une des clefs pour y arriver serait que le Québec devienne maître d’œuvre du Port, donc devienne souverain », affirme la candidate, qui ajoute qu’il serait « tout à fait possible de rediriger une bonne partie des marchandises du port vers le transport fluvial et le transport ferroviaire. » Toujours sur le transport, Marlène Lessard est d’avis que le projet de « tram-train » de QS qui longerait probablement Notre-Dame ainsi que les 38 nouvelles stations de métro annoncées par son parti seraient des améliorations qui auraient un grand impact pour la mobilité des gens de Bourget et de l’Est dans son intégralité.

La candidate tient également à souligner la vision de QS concernant le développement du Pôle l’Assomption Sud. « Nous sommes en faveur d’un développement mixte qui intègrerait des unités d’habitation, des espaces verts, des commerces de proximité et de l’industrie légère créatrice d’emplois. Ce projet doit se faire en accord avec la population locale qui a été peu écoutée ces dernières années et qui a trop subi les contrecoups des mauvaises décisions des instances publiques. Il s’agit aussi d’un excellent territoire pour amorcer une transition écologique des terrains industriels de l’Est de Montréal », soutient Mme Lessard.

Parmi les autres priorités locales que met de l’avant la candidate dans sa campagne, soulignons l’urgence de rénover et d’agrandir la majorité des écoles du secteur, dont la plupart sont classées par le ministère de l’Éducation en mauvais ou très mauvais état; l’augmentation annoncée par QS du salaire minimum qui passerait à 15 $ l’heure, la gratuité scolaire du CPE au doctorat, la gratuité des soins dentaires, et l’ouverture des CLSC 24 heures sur 24 et 7 jours par semaine.

Maka Kotto : l’humaniste souverainiste vise un 4e mandat

Camerounais d’origine, Parisien et par la suite Québécois, le comédien et politicien Maka Kotto sillonne un parcours professionnel, et de vie, disons-le, vraiment peu commun. Arrivé en 1990 au Québec, où il est déjà connu pour avoir participé à quelques films de réalisateurs québécois, il continuera sa prolifique carrière d’acteur jusqu’en 2004 alors qu’il fera le saut en politique et deviendra député du Bloc Québécois à la Chambre des communes et représentera le comté de Saint-Lambert. Il demeurera à son poste cinq ans pour ensuite être recruté par Pauline Marois et devenir député péquiste jusqu’à aujourd’hui. « Si c’est Dany Laferrière qui m’a convaincu de quitter Paris pour m’installer au Québec, c’est Pierre Falardeau, et aussi Julien Poulin, qui m’ont converti à la cause souverainiste québécoise. Pierre savait comment expliquer l’importance et l’urgence pour le Québec de proclamer son indépendance, mais il connaissait aussi très bien les luttes d’indépendance qui se déroulaient un peu partout dans le monde, dont à ce moment en Afrique, et c’est venu me chercher », explique Maka Kotto. Ce dernier est catégorique lorsqu’on lui demande ce qui le motive en politique : « Les gens. Ce qui est important pour moi, c’est d’aider les gens de ma communauté, la politique c’est un outil pour y arriver. C’est pour ça que je me suis toujours considéré comme un député de comté. Ensuite, c’est l’indépendance du Québec », affirme-t-il.

Maka Kotto, député sortant, candidat du Parti Québécois.

Le programme électoral local du député sortant est plutôt bien garni. Sa première préoccupation dans le cadre de cette élection concerne le vieillissement de la population de Bourget qui compte plus de 10 000 personnes âgées de 65 ans et plus sur son territoire, ce qui en fait l’une des démographies les plus âgées au Québec. « Et nous ne sommes pas gâtés en termes de services de santé. Compte tenu de la spécificité de Bourget, ça devient urgent de reconstruire l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, de rénover nos CHSLD qui eux aussi vieillissent et d’ouvrir nos CLSC tous les jours jusqu’à 20h avec au minimum des infirmières spécialisées. J’ajouterais à cela que l’engagement du PQ d’améliorer significativement les soins à domicile aura beaucoup d’impact dans le comté », soutient M. Kotto, qui se dit également préoccupé par le départ à la retraite d’environ 80 médecins dans l’Est de Montréal dans un avenir rapproché selon les données du CIUSSS.

L’aide aux organismes communautaires, dont plusieurs ont vu une partie de leur budget se faire amputer sous le dernier règne libéral, est aussi une priorité absolue pour Maka Kotto. « Ça, ça me tient vraiment à cœur puisque dans un quartier comme Bourget, au cœur de l’Est de Montréal, les organismes communautaires jouent un rôle non seulement important, mais essentiel pour des milliers de gens au quotidien. Sans eux et leurs bénévoles, qui font des miracles avec si peu, beaucoup plus de personnes seraient en grande détresse. Je suis fier d’avoir contribué à ce que le PQ annonce dans sa plateforme une aide supplémentaire de 200 millions de dollars pour les prochains quatre ans, soit près de 30 % du budget total de l’aide gouvernementale accordée actuellement aux organismes », explique le candidat péquiste.

Question transport, Maka Kotto suit la ligne de parti et réfère au Grand Déblocage, le plan annoncé par le PQ avant les élections et qui prévoit entre autres le prolongement du SRB Pie-IX vers le centre-ville, un tram faisant le lien entre la station projetée Anjou et celle de Radisson jusqu’à la Pointe-de-l’Île, des autobus rapides sur le boulevard Saint-Jean-Baptiste et le prolongement du train de l’Est. « Il s’agit d’améliorations considérables qui vont rendre plus fluides les déplacements dans tout l’Est de Montréal dont Bourget fait partie », déclare le candidat. Il ajoute que des actions ont aussi été faites « avec grand succès » ces dernières années dans le comté pour diminuer les impacts du camionnage dans les quartiers adjacents à la rue Notre-Dame et à l’autoroute 25.

Concernant le développement du fameux Pôle l’Assomption, Maka Kotto souhaite que la vision commune qui sera adoptée en soit une avant tout environnementale. « C’est certain qu’un projet d’une ampleur comme celui que deviendra le Pôle l’Assomption ne pourra plaire à tous et chacun. Mais je crois qu’il faut privilégier aujourd’hui le développement durable du secteur, ce qui implique un volet environnemental important. Peut-être même, et pourquoi pas, développer une zone industrielle légère dédiée aux entreprises du secteur environnemental? Tout ça toutefois devra être fait dans un cadre d’acceptabilité sociale et tenir compte de la volonté et des aspirations de la population locale », soutient-il, en ajoutant que ce projet « en est un qui demandera beaucoup de travail et beaucoup de consensus au cours des prochaines années. »

Pour terminer, soulignons que le candidat Kotto met également en évidence dans son plan de campagne local la réfection des écoles du secteur, le retour au tarif unique dans les CPE, un meilleur service de repas dans les écoles primaires, et la promotion de l’indépendance, dont il est l’un des rares candidats péquistes à le faire nettement et de façon quotidienne dans cette campagne.