L’entreprise de Rosemont Beside cultive l’innovation

BESIDE : UN MODÈLE D’AFFAIRES INNOVATEUR

Installée depuis un an au cœur de Rosemont, Beside fête aujourd’hui ses 5 années d’existence. Marque média internationale à l’intersection de la nature et de la culture, Beside englobe un magazine, des ateliers et événements éducatifs, mais aussi des chalets en pleine nature. Retour sur un modèle d’affaires unique en son genre.

Jean-Daniel Petit, Eliane Cadieux et Guillaume Leblanc sont des amis de longue date. Jean-Daniel et Guillaume viennent tous les deux de l’Abitibi et ont été voisins toute leur enfance. Eliane et Jean-Daniel quant à eux se côtoient depuis plus de 10 ans dans différentes agences de graphisme et de marketing à Montréal. Après une douzaine d’années à travailler dans leur domaine respectif, les trois trentenaires se questionnent sur le sens de leur quotidien. « En même temps, on a vraiment ressenti une crise existentielle. On était bons dans ce qu’on faisait, mais on ne le faisait pas pour les bonnes raisons. Alors on a commencé à réfléchir à d’autres projets », raconte M. Petit.

En 2014, Guillaume et Jean-Daniel créent leur manufacture de canots et kayaks, abitibi&co, qui s’exporte encore aujourd’hui à travers le Canada et les États-Unis. « C’est à partir de là qu’on a réalisé qu’il y avait un besoin criant d’un produit qui allie la nature et la culture, quelque chose qui allait ramener les gens à s’intéresser à la nature, mais de façon moins stéréotypée », se souvient le cofondateur. C’est alors que débute l’aventure Beside avec un premier numéro papier, lancé en 2016.

« Eliane, Guillaume et moi, on se pose énormément de questions sur la transition énergétique, l’urbanisme, le voyage, l’éducation des enfants … Pourquoi pas créer un média qui trace le fil rouge de toutes ces réflexions ? », poursuit Jean-Daniel. Après s’être entourés de deux journalistes, Nicolas Langelier, éditeur d’Atelier et Nouveau Projet et Catherine Métayer pour les aider à bâtir une ligne éditoriale, les trois compères lancent une première mouture de Beside. Lors du lancement officiel du magazine dans le Mile-End, plus de 300 personnes sont au rendez-vous pour se procurer leur copie, un premier événement convaincant qui n’a pas tant surpris les cofondateurs. « On avait fait une campagne de sociofinancement en parallèle pour voir s’il y avait un intérêt pour notre idée. Résultat, on a récolté plus de 25 000$ ! », raconte Jean-Daniel. Après ces résultats encourageants, les trois créateurs souhaitent développer leur audience et vendre leur magazine à des grands distributeurs. Malheureusement, ces derniers ne peuvent pas écouler tout le stock prévu. « On a loué un van, on l’a rempli de tous les magazines qui restaient ! On est parti de la Nouvelle-Écosse jusqu’en Californie pour vendre les 8 000 copies ! », se souvient Jean-Daniel, amusé. Des détaillants indépendants, des particuliers et des petits cafés achètent alors le magazine Beside tout au long du voyage, une façon pour les 3 amis de « bâtir une réelle communauté ».

De gauche à droite : Eliane Cadieux, Guillaume Leblanc et Jean-Daniel Petit (photo : Beside)

Un modèle à succès

Après cette première édition, les jeunes entrepreneurs croient encore plus à leur projet, prennent un bureau dans Hochelaga et confirment leur modèle d’affaires qu’ils veulent différent des autres. « C’est difficile de faire un média à notre époque, encore plus imprimée ! Mais on a trouvé un modèle qui fonctionne et notre communauté nous soutient beaucoup », exprime Jean-Daniel. Depuis le départ, le magazine Beside est payant et coute 20$. Il est publié deux fois par an, dans une édition en français et une en anglais. « On ne voulait pas mettre de la publicité comme le font les autres donc aucune de nos pages n’est dédiée à ça. Par contre, on a des partenaires et des collaborateurs à chaque numéro », poursuit l’ancien graphiste. Pour le 10e numéro qui paraitra le 3 juin prochain, Beside compte sur le soutien de la Commission canadienne pour l’UNESCO, Tourisme Gaspésie ou encore la Sépaq. « On travaille avec eux et nos journalistes pour créer du contenu pertinent », ajoute-t-il.

Depuis 2017, le magazine s’exporte aussi sur le web où du contenu gratuit est diffusé. « Les deux sont vraiment complémentaires, raconte Jean-Daniel. Le numérique nous permet aussi d’essayer des affaires comme des articles plus cours, de la vidéo ou encore du balado… ». La version papier reste toujours le modèle de Beside, qui tient à cœur aux cofondateurs. « Avec Internet, c’est difficile d’accrocher les gens plus de 20 minutes. Notre magazine, il faut 4h30 pour le lire, les gens piochent un article par ci, un article par là. Ça devient presque un rituel, une pause dans leur quotidien qui leur permet de réfléchir, de cogiter sur un sujet », exprime-t-il. Pour lui, Beside n’est pas un magazine traditionnel avec une ligne éditoriale « tranchée » : « on souhaite juste éveiller nos sens, accueillir la réflexion et la nuancer, sans donner de réponse ».

Pour chaque numéro, une grande thématique est choisie puis déclinée dans divers domaines : nature, culture, mode de vie, technologie, environnement… qui permettent « un éventail de sujets ». Une trentaine de journalistes et de collaborateurs travaillent sur chaque édition, accompagnée par 4 personnes à temps plein.

Le magazine fête aujourd’hui ses 5 ans et se vend à 10 000 exemplaires par numéro à travers le Canada, les États-Unis et l’Europe. Côté numérique, Beside touche près de 200 000 personnes par mois.

S’exporter en forêt

Pour continuer à « créer des ponts entre les humains et la nature », comme l’indique leur slogan, Eliane, Guillaume et Jean-Daniel ont investi il y a maintenant deux dans une terre de 1254 acres dans Lanaudière. « À la base, c’était un projet de retraite, une idée folle d’avoir un immense terrain et que ce soit notre legs, livre Jean-Daniel. Mais finalement, c’est arrivé plus rapidement que prévu et c’est vraiment trippant ! » À terme, cette forêt dense abritera 75 chalets, 25 pods autonomes de 200 pieds carrés et un grand chalet d’une capacité de 20 personnes : c’est le projet Habitat Beside. « Notre modèle d’affaires, c’est se diversifier et nous on a décidé de le faire avec l’immobilier. Ça nous permet de rester autonomes et indépendants avec notre magazine », ajoute-t-il.

Habitat Beside :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conçus par la firme Appareil Architecture, les chalets sont durables, une valeur importante pour l’équipe de Beside. « 90% de la construction est faite par des ouvriers d’ici et des matériaux de la région. La toiture a une durée de vie de 100 ans et tout est fabriqué en cèdre naturel », explique l’entrepreneur. En plus de la construction, plusieurs règles sur place garantissent le respect de l’environnement par les acheteurs ou les gens de passage. « On ne peut pas couper plus de 20% de la forêt pour s’approvisionner et il n’y a aucune clôture, les animaux peuvent circuler librement », poursuit Jean-Daniel. Sur leur terrain, quelque 900 acres ont aussi été entièrement protégés, sous forme de parc naturel.

Tous les chalets, disposés sur des terrains de 2 à 5 acres, ont déjà été vendus à des particuliers. En plus de la vente, Beside propose aussi de s’occuper de la location du bien. « Un chalet, on l’utilise très peu finalement, seulement 10% de notre temps, soit environ 35 jours par an. Lorsque les propriétaires ne sont pas là, on s’occupe de la location, comme ça, ça profite à tous les gens dans notre écosystème », raconte Jean-Daniel.

« On veut vraiment que les gens puissent vivre l’univers de notre magazine, mais en temps réel, dans notre forêt ». En plus de la location, Beside proposera prochainement des activités dans ces lieux en nature : concerts en canots, des cours de pêche, d’herboristerie… Prochainement, deux bibliothèques devraient voir le jour au cœur de la forêt ainsi qu’un studio de musique. « Si tu veux venir profiter de la beauté de l’endroit et juste chiller, c’est 100%. Mais si tu as envie de voir du monde, de socialiser, il y a aussi l’accès à notre bâtiment commun qui ressemble à un espace de coworking », ajoute-t-il.

Beside compte aujourd’hui près d’une trentaine de personnes qui travaillent à temps plein sur les différents projets. En plus de continuer à publier le magazine bi annuel à travers plusieurs continents, les trois cofondateurs souhaitent non seulement étendre davantage leur audience, mais ont aussi d’autres projets immobiliers en tête. À suivre…