Jardin B.P. Tétreaultville

Nathalie Viel, citoyenne de Tétreaultville, dans son jardin. Photo: Courtoisie Nathalie Viel.

QUEL AVENIR POUR LES JARDINS COMMUNAUTAIRES DE L’EST?

Les jardins communautaires sont des lieux de rassemblement où la passion pour l’agriculture urbaine est partagée entre voisins. Toutefois, d’un arrondissement à l’autre, et parfois même au sein du même territoire, l’accès à ces espaces varie beaucoup. Certaines administrations locales entrevoient de nouvelles solutions pour répondre à la demande. Petit tour d’horizon.

Le temps d’attente pour un lot dans un jardin communautaire n’est pas le même pour tous. Il existe des secteurs de l’est de Montréal où il faut ronger son frein pendant plus de dix ans pour trouver une place. Selon les informations qu’a pu obtenir EST MÉDIA Montréal, le jardin qui brise tous les records est celui à l’intersection des rues de Marseille et du Quesne, dans Mercier-Est, où il faut patienter pendant 26 ans pour un lot. Le temps d’attente est aussi plutôt long au Jardin Hochelaga, au coin des rues La Fontaine et Cuvillier, où la liste s’étend pendant 18 ans. Même chose dans Mercier-Ouest, où c’est 17 années de délais qui séparent les citoyens d’un espace au Jardin communautaire de l’Antenne Ferroviaire Longue Pointe. Il faut toutefois noter que ces trois jardins sont plutôt petits (de 11 à 27 jardinets) comparativement aux autres de l’arrondissement Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, comme celui du parc Dupéré, au coin des rues Saint-Donat et Sherbrooke Est, qui depuis des travaux de rénovation l’an dernier possède 187 lots et une liste d’attente de 3 ans. La moyenne d’attente dans MHM est de près de 7 ans.

Ailleurs dans l’est montréalais, l’attente varie beaucoup. Par exemple, dans l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie, la moyenne est d’environ 4 ans, tandis que dans Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles elle est d’un an et demi.

Nouvelles stratégies

Pour le maire de MHM, Pierre Lessard-Blais, cette disparité entre les délais, que ce soit au sein de l’arrondissement ou dans l’est, vient entre autres du fait que les citoyens préfèrent attendre d’avoir accès à un lot à proximité de leur résidence plutôt que de se déplacer. Ainsi, malgré le fait que MHM ait créé de nouvelles installations dans les dernières années, parfois peu de gens se bousculent pour y faire pousser leurs légumes. Par exemple le Jardin Clément-Jetté Nord dans Mercier-Est, construit il y a deux ans, offre 173 jardinets, mais seulement 26 personnes se trouvent sur la liste d’attente, comparativement aux 180 personnes qui convoitent un espace au Jardin Hochelaga, qui n’a pourtant que 27 jardinets.

Jardin Clément-Jetté Nord dans Mercier-Est

Le Jardin Clément-Jetté Nord dans Mercier-Est. Photo: Emmanuel Delacour/EMM

Selon M. Lessard-Blais, ces données illustrent la limite de la portée des jardins communautaires en ce qui a trait à leur mission de verdissement, d’agriculture urbaine, d’accès à la nourriture et de lieu de socialisation. « Créer un jardin communautaire, c’est tout de même une forme de privatisation d’un espace. On utilise alors nos budgets pour qu’une partie restreinte de la population puisse en profiter, souligne le maire. Pour répondre à la demande dans le quartier Hochelaga, il faudrait qu’on construise quatre jardins comme celui de Clément-Jetté. On a atteint la limite de ce qu’on peut faire avec les jardins communautaires et, tout en préservant la qualité de ceux qu’on possède, il faut se tourner vers un cocktail de nouvelles mesures. » Parmi celles-ci, l’élu prend en exemple les jardins collectifs, tel que le potager en permaculture et en libre-service du parc Sarah-Maxwell.

Une stratégie similaire a été adoptée à RPP, où l’on a aménagé en 2020 un jardin de 280 mètres carrés au parc Beaubien, qui offre des parcelles de jardinage en libre-service. La création d’espaces libres de jardinage fait partie des orientations de la Politique d’agriculture urbaine de Rosemont–La Petite-Patrie, indique l’arrondissement. De plus, un comité citoyen de La Petite-Patrie a mis sur pied le projet Partage ta terre, en collaboration avec l’organisme Solon, afin de jumeler des gens qui ont des jardins privés non cultivés et des jardiniers à la recherche d’une parcelle de terre. Même son de cloche à RDP-PAT, où l’on offre cinq zones libres d’agriculture urbaine ouvertes à la population, ainsi que deux jardins collectifs, au Jardin du Citoyen et au Jardin Skawanoti, qui sont également accessibles pour tous.

jardin dupéré

Le Jardin du parc Dupéré. Photo: Emmanuel Delacour/EMM

Enfin, les administrations de RPP et RDP-PAT souhaitent aussi continuer à développer leurs jardins communautaires. RPP a soumis au Bureau de la transition écologique et de la résilience de la Ville de Montréal trois projets visant la création de nouveaux espaces aux jardins communautaires Père-Marquette et Rosemont ainsi qu’au jardin libre du parc Beaubien. Ces projets ont, tout dernièrement, été approuvés et subventionnés à hauteur de 71 500 $. En 2022, cette somme permettra l’ajout de près de soixante bacs de jardinage avance l’arrondissement. Pour sa part, RDP-PAT aménagera un jardinet supplémentaire au Jardin Pierre-Lacroix, qui a accueilli une nouvelle serre l’an dernier, permettant d’élargir les possibilités de culture. Des travaux de réaménagement auront aussi lieu cette année dans certains jardinets de l’arrondissement qui étaient envahis de pierre, augmentant ainsi leur surface cultivable.

Qu’en pensent les citoyens?

La plupart des citoyens interrogés par EST MÉDIA Montréal ont souligné l’importance de l’aspect communautaire des jardins. « Ça encourage la vie de quartier, les gens avec lesquels je jardine, je les revois dans la rue, on se reconnaît entre voisins, on se salue », affirme Nathalie Viel, jardinière au Jardin B.P. Longue-Pointe dans Tétreaultville.

« On partage des informations, on se donne des trucs pour entretenir nos plants. Ça crée des amitiés », indique pour sa part Madeleine Bourgeois du Jardin Belles-Roses dans Rivière-des-Prairies.

Quant à lui, Jacques Racette, qui entretient depuis cinq ans son lot au Jardin des Roserais dans Anjou, apprécie les rassemblements qu’occasionnent les épluchettes de blé d’inde organisées par son comité de jardinage et souligne l’importance des lots réservés pour les enfants du quartier, ainsi que pour les programmes de réinsertion sociale.

Dans MHM, Lise Gaudreault, présidente du jardin Arc-En-Sol, constate que près du tiers des participants sont des Québécois issus de l’immigration ce qui contribue aux échanges interculturels. « On leur fait découvrir nos légumes d’ici et ils nous font connaître les leurs. »

De son côté, Laurence Morel, membre du comité du Jardin de Rosemont, situé dans la portion nord du Parc Maisonneuve, se désole des longues périodes d’attente qu’elle trouve regrettable. « On parle beaucoup d’agriculture urbaine, c’est à la mode, mais l’enjeu des jardins communautaires est peu soulevé. » Cette dernière insiste aussi sur l’aspect sociocommunautaire de ces lieux, qui permettent à des personnes isolées de se rassembler. M. Morel constate que le tiers 200 citoyens qui prennent part aux activités du Jardin de Rosemont sont des personnes à la retraite.