
Le terrain appartenant à Broccolini, au sud de l’autoroute 40, à Anjou (Google Maps)
25 janvier 2025AMAZON : LE PROJET D’UN CENTRE À ANJOU EST MORT AU FEUILLETON
Le projet avait été ébruité à l’automne 2021 par La Presse, qui avait à cette époque publié deux articles dans lesquels on résumait les plans imaginés par le développeur immobilier Broccolini, partenaire de longue date d’Amazon.
Un terrain chevauchant la Ville de Montréal-Est et l’arrondissement d’Anjou d’une taille de 211 000 m2 avait été acquis par Copperhead Limited Partnership, une société de Broccolini, des mains du Groupe C. Laganière. La transaction avait été réalisée à la hauteur de 56,8 M$. Le terrain, dont la vaste majorité de la superficie se trouve à Anjou (201 784 m2) au sud de l’autoroute 40, près du boulevard Bourget, avait entièrement été décontaminé par le Groupe C. Laganière, qui l’avait acquis de l’entreprise pétrolière Shell. EST MÉDIA Montréal a confirmé ces informations en consultant le Registre foncier du Québec.
Broccolini a été le partenaire de choix d’Amazon pour la construction de ses centres de distribution et de tri au Québec. Sur le site internet du promoteur, on affiche encore six précédents projets de construction ou d’aménagement de centres partout dans la province. La venue d’un nouveau grand centre à Anjou, qui aurait pu employer 1000 travailleurs, était un secret de polichinelle.
Questionné à ce propos, Amazon est demeuré vague, tout en sous-entendant que le projet est mort au feuilleton. « Les plans concernant le terrain à Anjou n’ont jamais été finalisés ou confirmés », résume dans un courriel Barbara Agrait, porte-parole d’Amazon.
L’entreprise réitère ce qui a déjà été relayé dans les médias cette semaine : elle ne comptera plus sur des centres in situ pour assurer la livraison à ses clients au Québec, préférant faire appel à des sous-traitants pour accomplir le « dernier mille ». « Suivant une révision récente de nos opérations au Québec, nous avons vu que de retourner vers un modèle de livraison par de tierces parties supportées par de petites entreprises locales, similaire à ce que nous avions en 2020, permettra d’offrir le même bon service et même des économies pour nos clients à long terme », affirme la porte-parole d’Amazon dans le même message.
Le maire d’Anjou, Luis Miranda, s’était dit en faveur du projet en 2021. Contacté par EST MÉDIA Montréal, son équipe nous a informés qu’il ne souhaitait pas réagir à ce sujet. « Suite à l’annonce de la fermeture des sept sites d’Amazon au Québec, nous comprenons vos préoccupations concernant le projet du centre de distribution à Anjou/Montréal-Est, indique dans un courriel Ysabel Rodriguez, chargée de communication. Nous n’avons actuellement aucune information concernant cette fermeture et ses impacts potentiels, car il est encore trop tôt pour se prononcer. »
Au moment d’écrire ces lignes, le promoteur Broccolini n’avait pas retourné les demandes d’entrevue d’EST MÉDIA Montréal.
Un projet qui n’était plus sur la table
Pour Jean-Denis Charest, président-directeur général de la Chambre de commerce de l’Est de Montréal (CCEM), la construction du centre d’Anjou ne semblait pas être sur le point de démarrer et n’était plus sur ses radars. « Depuis les deux dernières années, c’est un projet qui ne semblait plus être sur la table », indique-t-il.

Jean-Denis Charest, PDG de la CCEM. (Courtoisie)
Selon ce dernier, le choix de ne pas aller de l’avant a sans doute été pris bien avant sa décision de fermer ses sept centres au Québec et n’y est pas corolaire. « Je pense clairement qu’Amazon a eu un moment où ils ont regardé plusieurs endroits pour établir différents centres de distribution. Ils ont regardé dans l’est de Montréal, mais le projet n’a jamais vraiment pris son envol. Alors, pour nous, ce n’était pas un projet qui était sur notre liste de projets à surveiller », explique-t-il.
En effet, selon ce qui avait été précédemment avancé, la construction du centre aurait été prévue pour 2023, ce qui, selon toute évidence, ne s’est jamais produit. Aujourd’hui, le terrain demeure toujours en friche. Selon le Registre foncier du Québec, la société en commandite Copperhead Limited est toujours propriétaire du terrain, la dernière modification au registre datant de 2022, au sujet d’un transfert de son hypothèque entre la British Columbia Investment Management Corporation et une de ses filiales, QuadReal Real Estate Debt.
Pour Alian Hassan Cournol, conseillère de la Ville dans Mercier–Hochelaga-Maisonneuve et responsable du dossier du développement économique au comité exécutif de la Ville de Montréal, le projet qui ne s’est jamais concrétisé ne correspondait pas avec la « vision » de l’administration de Valérie Plante pour l’est de la métropole. « Ce qu’on souhaite, ce n’est pas d’avoir plus d’entrepôts et plus de camionnage, mais des projets qui apportent une plus-value », soutient-elle.

Alia Hassan-Cournol, élue de MHM et responsable du développement économique au comité exécutif de la Ville de Montréal (Courtoisie)
Cette dernière affirme que la Ville et ses partenaires publics et privés s’affairent à mettre en place des projets qui favoriseront la transition écologique et sociale des quartiers de l’est. Quant aux milliers d’emplois qui auraient pu être créés dans un nouveau centre à Anjou, la responsable du dossier économique rappelle qu’il s’agit d’une décision d’affaires prise par Amazon.
L’élue y voit cependant une chance de « repenser la question » du développement économique dans le secteur. Mme Hassan Cournol invoque en exemple de réussite l’ancien complexe industriel du 5600, rue Hochelaga, qui héberge aujourd’hui plusieurs locataires de toute sorte dans ses espaces de grande superficie, incluant des projets dans le domaine des technologies vertes, notamment en bioalimentaire.
Par ailleurs, la fin de ce projet et le départ d’Amazon de la province ne sont pas nécessairement des coups fatals pour l’économie de l’est de Montréal, avance le PDG de la CCEM. « C’est une réorganisation de la chaîne logistique et, quelque part, ça peut représenter des opportunités d’affaires pour les entreprises de l’est de Montréal dans ce secteur », insiste M. Charest.
En ce qui a trait au développement des vastes terrains dans l’est qui demandent à être développés, les opportunités sont toujours là, croit-il. « On pense que le momentum est très bon actuellement et qu’il faut absolument arriver à attirer dans l’est de Montréal un projet structurant, et on est confiant qu’on va y arriver. » Enfin, Jean-Denis Charest rappelle que le secteur manufacturier représente aussi une grande partie des moteurs envisagés pour redévelopper l’est, notamment grâce à des partenariats avec le milieu universitaire et à la création de nouvelles grappes économiques dans le secteur.