
La Plaza St-Hubert (Image tirée de la page Facebook Plaza St-Hubert)
26 février 2025L’ACHAT DE LOCAUX ENVISAGÉ POUR COMBATTRE L’EMBOURGEOISEMENT
Un organisme d’Hochelaga veut aider à préserver le tissu social et économique des quartiers de l’est de Montréal en faisant l’acquisition d’espaces mixtes. Cette nouvelle approche pour combattre l’embourgeoisement pourrait tout d’abord se déployer sur la Plaza St-Hubert, dans l’arrondissement de Rosemont—La Petite-Patrie (RPP).
HocheLab s’était fait connaître il y a quelques années pour son projet de rachat de l’église Saint-Clément, dans le quartier de Viauville. L’organisme souhaitait alors transformer le lieu de culte inoccupé depuis 2009 en espace collectif, qui aurait pu accueillir, entre autres, un centre communautaire. Les plans sont toutefois toujours dans les cartons, et entre-temps, HocheLab s’est affairé à mousser l’image du secteur en organisant des activités de célébration du 125ᵉ anniversaire de Viauville, en 2023.
Désormais, l’organisme entend ajouter une nouvelle corde à son arc : développer des opportunités d’acquisition ou de location de locaux commerciaux ou mixtes afin de favoriser l’accessibilité aux espaces.

Marc-André Robertson, directeur général d’HocheLab. (LinkedIn)
« On veut s’attaquer à ce que l’on pense être un angle mort de l’embourgeoisement, soit les petits plex. Notre mission, ce serait de sortir ces actifs-là le plus rapidement possible, de les acheter. Puis, étant un OBNL, on ne vise pas la profitabilité, mais plutôt la rentabilité. On veut garder ça abordable en mettant ces immeubles hors marché, en les sortant de la spéculation et en protégeant les commerces », explique Marc-André Robertson, directeur général d’HocheLab.
Un modèle similaire a déjà été déployé à Vancouver, par l’entremise de l’entreprise d’économie sociale Community Impact Real Estate, qui possède un parc de 53 unités commerciales au cœur de cette métropole.
Selon M. Robertson, le développement de l’est de Montréal se fait à certains endroits à une vitesse effrénée, surtout en ce qui a trait à la création de logements. Cependant, bien que de nombreux projets résidentiels incluent des logements abordables ou sociaux, cette densification peut tout de même entraîner un phénomène d’embourgeoisement dans le quartier, en particulier pour les commerces locaux.
Les propriétaires de petites entreprises qui souhaiteraient bientôt prendre leur retraite pourraient être incités à vendre leur immeuble plus tôt que prévu, flairant une opportunité de vendre à plus gros coût, le développement immobilier faisant grimper la valeur du pied carré dans le secteur.
Dans d’autres cas, les commerçants locataires pourraient faire face à une hausse de leur loyer en raison de la spéculation immobilière, ce qui les obligerait à quitter les lieux. Cet embourgeoisement pourrait entraîner le départ des petits entrepreneurs des quartiers, au profit des grandes chaînes commerciales, qui deviennent les seules capables de s’y établir. « Finalement, c’est la collectivité qui est perdante et le quartier perd de son authenticité », résume M. Robertson.
Des baux qui explosent
HocheLab aura la chance de tester un modèle d’acquisition d’espaces commerciaux dans RPP, grâce à un partenariat avec l’Arrondissement et la Société de développement commercial (SDC) de la Plaza St-Hubert.
La nécessité de sortir du marché des locaux commerciaux sur la Plaza ne date pas d’hier. En 2021, la SDC avait envisagé d’acheter elle-même certains espaces, mais n’y était pas parvenue, faute de moyens.

Mike Parente, directeur général de la SDC Plaza St-Hubert (LinkedIn)
« Les coûts de l’immobilier ont explosé et la pression est à la hausse sur les commerçants depuis la pandémie. C’est comme ça un peu partout au Canada », constate Mike Parente, directeur général de la SDC Plaza St-Hubert.
« C’est vrai que, dans certains immeubles, le coût d’achat et les baux sont rendus très chers », confirme Marie-Christine Dubuc, conseillère en planification aux projets de développement économique à RPP.
Au début du mois de février, le conseil d’arrondissement de RPP a approuvé une entente de partenariat avec l’organisme dans le cadre du programme Défis innovation Québec en économie sociale, afin de mettre sur pied le projet « Repenser la mixité commerciale par l’acquisition et la location stratégique des espaces commerciaux à Montréal – le cas de la Plaza St-Hubert ». Dans l’ensemble, la valeur totale estimée du projet est de 395 000 $, incluant une subvention d’une valeur de 200 000 $, par le Pôle de l’économie sociale de l’agglomération de Longueuil prévue au projet dans le cadre du programme. HocheLab devra obtenir les autres sommes par le biais de divers programmes provinciaux et fédéraux, avec le soutien de l’Arrondissement et de la SDC Plaza St-Hubert dans ses démarches.
« On vise une première acquisition d’immeubles sur la Plaza d’ici 2025-2026, puis, en 2026-2027, on travaillerait sur un modèle de magasin éphémère », affirme Mme Dubuc.
Il faudra attendre les conclusions des travaux de l’équipe d’HocheLab pour déterminer quel scénario sera mis en place, mais Mme Dubuc entrevoit que la SDC pourrait commencer par acquérir deux ou trois bâtiments au courant des dix prochaines années.
Pour assurer la rentabilité, M. Robertson ne rejette pas l’idée de louer certains locaux à la valeur marchande à de grandes chaînes, afin d’en offrir d’autres à coûts réduits aux petits commerçants locaux. Pour sa part, Mme Dubuc croit plutôt que cette approche serait à « l’antithèse » de ce que souhaitent voir les acteurs du milieu sur la Plaza. « On veut vraiment pouvoir soutenir de jeunes pousses à l’entrepreneuriat local. On ne voudra pas d’un McDonald’s. Je pense qu’il y a de jeunes qui pourront s’installer, avec des bailleurs de fonds publics qui pourraient s’y intéresser aussi. Les annonces ne sont pas faites, mais on a déjà des annonces de montants à travers des enveloppes au fédéral qui vont pouvoir soutenir le projet. »
Pour sa part, le maire de RPP, François Limoges, entrevoit que le projet proposé pourra assurer la vitalité des artères commerciales de l’Arrondissement et répondre aux besoins des citoyens. « On contribue en même temps au renforcement de notre résilience économique locale. Le partenariat entre l’Arrondissement, la SDC Plaza St-Hubert et l’organisme HocheLab pourra servir de modèle pour d’autres quartiers montréalais confrontés à des problèmes semblables », anticipe l’élu.