UN PAS DE GÉANT POUR AMÉLIORER LA VIE DES AUTISTES
Sous peu s’amorcera la construction du Centre d’autisme À pas de géant, rue Molson, juste derrière la toute nouvelle Clinique médicale Angus (un des plus grands Groupes de médecine de famille-Réseau au Québec). Projet d’envergure à la fois innovant et essentiel, il rassemblera sous un même toit une école, un centre de formation, un centre communautaire et un laboratoire de recherche. Portait de ce centre, pour enfants et adultes autistes, qui a su gagner le cœur de la Société de développement Angus (SDA).
Ayant actuellement pignon sur rue dans Notre-Dame-de-Grâce, l’école privée À pas de géant offre gratuitement et depuis 1980 un programme préscolaire, primaire et secondaire à des personnes de 4 à 21 ans atteintes d’un trouble du spectre de l’autisme (TSA). Elle a été mise sur pied par une musicologue et des parents d’enfants autistes. D’ailleurs, son modèle d’éducation inspire dans le reste du Canada et à travers le monde, faisant d’elle un leader en la matière. « Il s’agit d’une nouvelle façon de donner des services en autisme. Elle se veut plus efficace et aidante, et elle vise vraiment toute la vie de la personne autiste », explique Andrée Dallaire, membre du conseil d’administration de l’école, co-présidente de la campagne de financement du Centre d’autisme et mère de Catherine, 14 ans, une élève de l’école À pas de géant.
Les locaux actuels de l’établissement situé à la frontière de Côte-St-Luc ne répondent plus aux besoins bien particuliers des enfants et des adultes qui la fréquentent ainsi que des professionnels qui évoluent à leurs côtés. Par exemple, l’école ne comporte aucun local de répit, essentiel lors de la désorganisation d’une personne autiste, qui peut survenir fréquemment et de manière impromptue. Il n’y a pas non plus de gymnase, ce qui peut paraître tout simplement impensable pour une école, qu’elle soit régulière ou spécialisée. De plus, les demandes affluent toujours plus et l’école se voit dans l’obligation de refuser neuf enfants sur dix. « Les ressources actuelles désuètes, le manque d’espace et notre impossibilité d’accepter plusieurs élèves nous a amenés à élaborer un nouveau projet », ajoute Andrée Dallaire.
Match parfait
Tandis qu’elle recherchait un éventuel terrain pour accueillir ses installations, À pas de géant est tombé sur le quartier Angus, qui l’a séduite dès le premier coup d’œil. « Le modèle de développement de ce quartier, il est basé sur l’économie sociale, il est développé en réponse aux besoins de la communauté et il y a déjà des entreprises qui font de la réinsertion sociale. On a vraiment senti que pour nos enfants, nos adultes, ce serait un quartier idéal », révèle Andrée Dallaire. Cherchant bien plus qu’un promoteur, un développeur ou un propriétaire immobilier, l’école souhaitait trouver avant tout un partenaire pour la supporter dans l’élaboration de son projet. Elle rencontre alors la SDA, via son président et chef de la direction, Christian Yaccarini. Ce dernier et son équipe, tous tombés sous le charme du projet et de sa mission, acceptent non seulement de leur réserver un terrain, mais de les accompagner dans le financement. Peut-être sans le savoir, l’école a frappé à la bonne porte, puisque le directeur de la SDA l’a convaincue qu’elle pourrait, avec de grands efforts, aller chercher de l’argent public pour financer son projet. « Ils allaient lever tout l’argent dans le privé. Pourtant, à mon avis, même s’il s’agit d’une école privée, elle pouvait être admissible à un programme provincial, comme elle reçoit des enfants de 14 centres de services scolaires du Grand Montréal. »
Une rencontre est alors organisée entre le président du conseil d’administration, le directeur de l’école, Thomas Henderson, l’acteur et producteur Charles Lafortune, lui-même père d’une personne autiste, Christian Yaccarini et le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge. « Le ministre a dit il n’y avait pas de programmes pour financer de l’immobilier pour les écoles privées. Je lui ai dit qu’il faudrait clarifier cette question d’école privée, comme À pas de géant n’impose aucuns frais de scolarité et que les parents qui y envoient leurs enfants le font parce qu’ils ne sont pas admis dans les écoles régulières. Ce n’est pas comme envoyer son enfant à Brébeuf, Notre-Dame ou Jean-Eudes. » Le ministère de l’Éducation a d’abord procédé à une analyse du projet puis a émis une recommandation positive pour sa construction, mais en spécifiant qu’effectivement, aucun programme n’existe en la matière. « C’est le bureau du premier ministre et celui du ministre Roberge qui ont travaillé pour aller chercher 15 millions hors programme. C’est devenu une volonté politique de leur part », croit Christian Yaccarini.
Aujourd’hui, la campagne de financement va bon train. En plus de l’argent obtenu du gouvernement du Québec, elle a réussi à aller chercher 1,3 million chez les parents et plusieurs autres millions au privé. Elle a pu compter sur d’autres partenaires de taille, tels que la Fondation Marcelle et Jean Coutu, la Fondation Hewitt et la Fondation Molson. La Banque Nationale, à elle seule, a fourni 850 000$. « Il manque environ 9 millions », mentionne avec enthousiasme Andrée Dallaire. « Le comité de financement continue la sollicitation. Je suis persuadée qu’on va arriver au bout, je n’ai aucun doute. »
Bien plus qu’une école
Les choses avancent tellement bien que malgré le manque à gagner, les travaux s’enclencheront dès le début de l’année 2022. C’est la firme Provencher_Roy qui élabore les plans. Évalué à 30 millions il y a bientôt 4 ans, le projet sera finalement réalisé avec un budget de 51 millions. Il est devenu aujourd’hui bien plus qu’une simple école. Le centre fournira les ressources et les services pour les besoins à long terme des personnes autistes, soutiendra les familles et travaillera à sensibiliser la communauté du secteur à l’inclusion. Il sera bâti sur quatre piliers principaux : une école pour les 4 à 21 ans, en anglais et en français; de l’éducation et de la formation bonifiées aux adultes en vue de les préparer à l’emploi et à l’autonomie; un centre communautaire agrandi où seront dispensés des services de consultation, des activités sportives et de loisir adaptées; et finalement un volet recherche avec la création d’un laboratoire vivant. « C’est un partenariat avec le Réseau pour transformer les soins en autisme (RTSA), qui rassemble 45 chercheurs et plus de 300 cliniciens du milieu universitaire et des réseaux de la santé. L’idée, c’est de pouvoir tester dans l’école les services en autisme. L’école sera conçue pour recevoir ce centre de recherche, comme par exemple avec des espaces d’observation pour les chercheurs entre les classes », précise Andrée Dallaire.
Pour arriver à élaborer un projet qui répondrait vraiment aux besoins et trouver le meilleur modèle, À pas de géant a mené beaucoup de consultations avec la communauté, que ce soit avec des parents, des chercheurs en autisme ou des personnes autistes elles-mêmes. Par exemple, dans la conception du bâtiment, de l’attention doit être accordée aux différences perceptuelles des personnes atteintes du TSA et aux défis sensoriels auxquels elles sont confrontées. La lumière, l’orientation, l’acoustique, rien n’a été laissé au hasard. « Le bâtiment sera superbe, de l’intérieur comme de l’extérieur. Et je suis persuadé qu’il apportera quelque chose de plus grand au site que le bâtiment lui-même », confie Christian Yaccarini, encore sous le charme de ce projet de cœur. Et parions que les Rosemontois le seront tout autant!