L’organisme Le Chez-Nous de Mercier-Est (Photo tirée du site web de TETRO | Association des commerçants de Tétreaultville)

55 M$ POUR LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL DE MONTRÉAL : QUELLES RETOMBÉES DANS L’EST?

La semaine dernière, Chantal Rouleau, ministre responsable de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire, annonçait un financement de 55 M$ pour le développement social de la Ville. Grâce à ce montant, des élues anticipent de nombreuses retombées positives dans l’est de Montréal. Le Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal estime que ce financement arrive toutefois un peu trop tard.

La somme allouée sera répartie sur une période de cinq ans, correspondant aux exercices budgétaires 2024-2029, comme prévu dans le plan de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale présenté par le gouvernement en juin dernier.

Le financement doit permettre à l’Alliance pour la solidarité de Montréal de renouveler certains projets sociaux en cours ainsi que d’en faire naître de nouveaux. D’ailleurs, les 21 Alliances pour la solidarité établies un peu partout au Québec bénéficieront d’une enveloppe budgétaire de 145 M$ pour les quatre prochaines années. 

Comme le précisait un communiqué publié par le cabinet de la ministre, « l’Alliance pour la solidarité est une entente territoriale signée entre le gouvernement du Québec et un partenaire désigné par les élus locaux. »

L’autonomie des régions

D’ailleurs, la gestion des montants alloués aux projets des divers organismes sera confiée aux Alliances pour la solidarité par territoires plutôt qu’aux instances gouvernementales. Chantal Rouleau précise que «l’autonomie des régions est très importante ». 

« Ce sont nos partenaires régionaux qui identifient leurs priorités locales et régionales et qui choisissent quelles actions ils poursuivront par la suite », explique-t-elle. 

Chantal Rouleau, députée de Pointe-aux-Trembles et ministre responsable de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire (Photo : Emmanuel Delacour/EMM)

En entrevue avec EST MÉDIA Montréal, la députée d’Anjou–Louis-Riel et adjointe de la ministre responsable de la Métropole et de la région de Montréal, et adjointe de la ministre responsable de l’Emploi, Karine Boivin Roy, abonde dans le même sens : « Ce n’est pas nous qui allons décider quels seront les projets financés. Nous, on injecte la somme d’argent, et après ça, c’est les partenaires de la table régionale qui vont décider quels projets iront de l’avant. » 

Lors des prises de décisions, Mme Boivin Roy exige quand même des alliances régionales « un arrimage en toute cohérence avec les priorités nationales ». 

« Pour chaque région, les problématiques sont vécues d’une manière personnalisée. On veut respecter cette autonomie pour que ça puisse bien répondre à la demande du terrain », ajoute-t-elle. 

Karine Boivin Roy, députée d’Anjou–Louis-Riel, adjointe de la ministre responsable de la Métropole et de la région de Montréal, et adjointe de la ministre responsable de l’Emploi (Courtoisie)

Des retombées pour l’est de Montréal

Afin d’illustrer l’ampleur des retombées attendues pour l’est de Montréal, Mme Rouleau rappelle les impacts des fonds alloués lors du dernier exercice budgétaire 2023-2024 : « Les investissements du gouvernement ont permis de financer l’embauche de travailleurs de rue à Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, de travailleurs de milieu dans des HLM à Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles et à MercierHochelagaMaisonneuve .»

D’ailleurs, elle insiste sur la bonification du montant annoncé la semaine dernière par rapport à l’année précédente : « Il s’agit d’une augmentation du financement remis à la Ville, puisque lors du dernier cycle, pour les années 2018-2023, l’enveloppe était de 44,75 M$. » 

Ce financement, qui provient du Fonds québécois d’initiatives sociales, « a permis de financer des projets comme le Carrefour d’innovation bioalimentaire de l’est de Montréal et le projet Main dans la main, qui regroupe des intervenants de Pointe-aux-Trembles et de Montréal-Est pour lutter contre l’itinérance dans ce secteur de l’île », précise Mme Rouleau.

Parmi les autres projets ayant reçu des financements importants, la députée de Pointe-aux-Trembles évoque un montant de 125 000 $ accordé par le gouvernement provincial au Regroupement Partage à Montréal en 2023-2024, « ce qui leur a permis de lancer un projet de production agricole, d’achat et de redistribution de denrées dans plus de 20 quartiers de la métropole ».

En plus de mentionner « de nouveaux partenaires et de nouvelles mesures qui seront proposées », Karine Boivin Roy cite d’autres organismes qui ont également bénéficié de tels financements dans l’est de la ville au cours des années passées : « L’Accueil Bonneau, Rue des Femmes de Montréal, le Chez-Nous de Mercier-Est à Tétreaultville, ainsi que le Regroupement des tables de concertation de la Petite-Patrie. »

Trop peu, trop tard? 

Toutefois, selon Roxanne Milot, chargée d’analyse et de liaison pour le Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal, ce financement de 55 M$ arrive un peu tard, considérant que le plan a été déposé en juin. « On aurait pu avoir des projets de 5 ans si la ministre avait sorti le plan quand il était temps de le sortir. On a perdu un an dans l’entente parce qu’on attendait un renouvellement de cette enveloppe pour pouvoir faire des nouveaux appels de projets », explique-t-elle. 

Roxanne Milot, chargée d’analyse et de liaison pour le Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal (Courtoisie RIOCM)

Cette situation a entrainé, toujours selon Mme Milot, « de l’instabilité chez les groupes communautaires depuis plusieurs années parce qu’ils ne savent pas si leur projet va être renouvelé d’une année à l’autre ». Elle ajoute que « les groupes communautaires ont à peu près deux mois pour pondre de nouveaux projets pour les quatre prochaines années ». 

D’ailleurs, la chargée d’analyse et de liaison croit aussi que le financement par projet n’aide pas le milieu communautaire. « En matière de lutte contre la pauvreté, nous, on espérait des mesures plus structurantes. Si on veut financer les groupes communautaires qui font de la lutte contre la pauvreté, il faudrait que ça soit d’abord du financement pour la mission de base », indique-t-elle.

Si elle critique le financement annoncé la semaine dernière, Mme Milot pointe également du doigt le plan d’action de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale lui-même .« Il est sorti dans la plus grande ignorance. Je pense qu’ils ont fait exprès pour le sortir juste avant la Saint-Jean parce que c’est un plan extrêmement décevant. Chez les regroupements communautaires qui veillent à toutes les actions gouvernementales en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, ça a vraiment déçu tout le monde », laisse-t-elle tomber.