
Le premier édifice du campus 40NetZERO (Courtoisie MET-HB I Propriétés SEC)
12 mars 202540NETZERO : DES FRAIS QUI EXPLOSENT POUR UN FONDS DE PARC
Une nouvelle façon de calculer des contributions lors de l’achat de terrains fait grimper la facture d’un projet d’envergure de campus industriel à Montréal-Est. Les promoteurs immobiliers derrière 40NetZERO affirment que les millions de dollars supplémentaires qu’ils devront débourser risquent de ralentir les travaux, tandis que la Ville de Montréal-Est justifie sa décision.
L’ambition de créer le plus grand parc industriel durable en Amérique du Nord est toujours au programme, assurent Robert Soldera et Peter Karambatsos, les deux entrepreneurs à la tête de la société MET-HB I Propriétés SEC à l’origine du chantier.
On espère encore faire sortir de terre environ 280 000 m² d’espaces locatifs carboneutres mixtes dans l’immense terrain de plus de 650 000 m² situé entre les boulevards Métropolitain et Henri-Bourrassa Est. Il s’agit d’un projet dont la valeur des investissements représente un milliard de dollars.
Et les travaux avancent bien, souligne M. Karambatsos, avec un premier édifice offrant une superficie de 37 000 m² déjà complété en décembre dernier. L’entreprise pharmaceutique qui l’occupera sera bientôt dévoilée ; celle-ci doit terminer l’installation de son matériel robotisé jusqu’au mois de juillet de cette année.
Toutefois, l’homme d’affaires note que le projet ne s’est pas déroulé sans anicroche jusqu’à présent. « Quand on a acheté le terrain, la Ville de Montréal-Est avait en place un règlement de fonds de parc. Ça veut dire qu’il faut payer un fonds qui vaut 10 % de la valeur du terrain estimée par la Ville. On a vérifié, et presque tout avait été payé, il ne nous restait plus qu’à débourser 80 500 $. Mais, deux ans plus tard, en cours de route, la Ville a changé son mode de calcul et maintenant la facture monte de 10 M $ à 15 M $ pour ce fonds! », se désole M. Karambatsos en entrevue avec EST MÉDIA Montréal.

Une image conceptuelle du projet 40NetZero, avec la future voie publique (Courtoisie MET-HB I Propriétés SEC)
Cette augmentation faramineuse découle du fait que la municipalité se base désormais sur la valeur marchande du terrain, qui doit être estimée par un évaluateur agréé mandaté par la Ville.
En mai 2021 et mai 2022, dans le cadre d’une vérification diligente, la Ville de Montréal-Est avait confirmé aux entrepreneurs que toutes les contributions pour fins de parc, à l’exception d’une petite parcelle de terrain le long du boulevard Henri-Bourassa, avaient été payées, certifie-t-on à la direction de 40NetZERO dans un courriel. « Par conséquent, nous avions budgété un montant de 80 500 $ à titre de contributions éventuelles pour fins de parc, lequel montant avait d’ailleurs été confirmé par la Ville », relate-t-on.
Or, en septembre 2022, la Ville a modifié sa règlementation pour exiger une contribution pour fins de parc non seulement pour toute opération cadastrale, mais aussi pour toute demande de permis de construction. Dorénavant, cette contribution est équivalente à 10% de la valeur marchande du terrain, déduction faite des montants précédemment payés. « À aucun moment au cours de nos échanges avec les autorités municipales en 2021 et en 2022 nous n’avons été informés d’un tel changement imminent », affirme-t-on dans le courriel.
« À cause de cela, on risque de prendre du retard, soutient M. Karambatsos. Tout ça, c’est rentré après que la Ville nous avait confirmé qu’il n’y avait pas d’autres frais de parcs. Alors, dans notre tête à nous, avec le client qui a déjà loué le premier immeuble, tout ça était déjà réglé », renchérit son collègue Robert Soldera.
Le ralentissement causé par ces sommes dues n’aura pas que des effets délétères sur le chantier privé, mais touchera aussi la livraison d’une infrastructure critique à Montréal-Est, insistent les promoteurs.
Le boulevard des Générations, une future voie qui traversera le terrain du nord au sud, doit être cédée à la Ville pour 1 $, ce qui représente près de 52 000 m² de terres octroyées.
« Cette nouvelle règlementation retarde non seulement et inutilement la réhabilitation et le développement de Montréal-Est, mais prive également la Ville de percevoir à très court terme des taxes foncières récurrentes et perpétuelles importantes », se désole la direction dans son courriel.
« C’est affreux. On a essayé de négocier avec la Ville, parce qu’on prend tous les risques financiers dans ce projet-là. Juste avec le premier bâtiment qu’on a construit, on a fait augmenter le niveau de taxation à Montréal-Est de 1,5 M $ par année, en plus d’attirer entre 200 et 300 employés dans la région », argumente M. Karambatsos.
« Pas un frein au développement »
Pour sa part, la Ville de Montréal-Est justifie la modification de son règlement de lotissement relatif aux contributions pour fins de parcs, de terrains de jeux et d’espaces naturels en soulignant qu’elle « permet de s’assurer d’offrir le meilleur cadre de vie possible pour les citoyens, les travailleurs et toute personne qui fréquentera le milieu ».
« À terme, le projet 40NetZERO aura un grand impact sur les infrastructures de la Ville et cette dernière se doit d’aménager des espaces verts, des bassins de rétentions, des zones tampons, etc., afin de répondre notamment aux enjeux d’adaptation et de résilience face aux changements climatiques. Cette règlementation n’est pas un frein au développement », expliquent les relations médias de la Ville dans un courriel.
La Ville a choisi de modifier sa règlementation en septembre 2022, adoptant une méthode de calcul similaire « à la majorité » des 82 municipalités composant la Communauté métropolitaine de Montréal. On ajoute que l’évaluation de la valeur marchande du terrain est effectuée aux frais de la Ville.
« Au-delà de cette modification, la Ville a adopté, à la séance du 15 janvier 2025, son nouveau règlement relatif aux contributions pour fins d’établissement, de maintien et d’amélioration de parcs, terrains de jeux et milieux d’intérêt écologique, dans lequel la Ville permet, entre autres, des ententes de report de paiement de la contribution lorsqu’une opération cadastrale est requise pour un lot qui sera ultérieurement développé par phases ou destinée à créer un lot distinct à des fins de construction », précise-t-on dans le courriel.
En ce qui a trait aux infrastructures, la Ville rappelle qu’elle a présenté en avril 2024, « et ce, conjointement avec le promoteur », une aide financière sous forme d’entente pour le partage des coûts d’infrastructures (égouts, aqueducs, rues, éclairage, etc.) desservant le parc d’affaires 40NetZERO.
Le chantier avance
Malgré la menace d’une récession et la guerre tarifaire qui sévit entre les États-Unis et le Canada, les promoteurs en immobilier demeurent confiants. « Quand on planifie un projet qui prend dix ans à construire, il faut s’attendre à passer au travers d’une récession, parce qu’elles surviennent une fois chaque sept ou huit ans. Alors, il y a toujours des hauts et des bas quand tu t’engages dans ce genre de projet », explique M. Karambatsos.
Déjà, un immeuble situé à proximité du boulevard Henri-Bourrassa Est est sorti de terre et ses 37 000 m² ont été loués par une grande multinationale en pharmaceutique. Juste à l’arrière de cet édifice, un second bâtiment est en construction et devrait offrir dès la fin de cette année des locaux à louer d’une superficie entre 4 900 m² et de 18 000 m². Deux autres édifices, toujours en planification, ont déjà trouvé preneurs et on s’attend à livrer sept édifices d’ici 2026 et trois autres d’ici 2027, si le projet avance comme prévu.
Les futurs locataires proviennent de secteurs mixtes, allant de la pharmaceutique à l’agroalimentaire, en passant par la distribution et la logistique.